sont ni des fous, ni des charlatans, ont bien assez prouvé que la simple conquête d’un fait patent et incontestable peut être l’œuvre de toute une vie. Mais ce qu’il y a de plus étrange, c’est que ce fait à peine conquis entre d’emblée dans les esprits simples et droits sans y produire ni étonnement ni inquiétude. Je ne sais pas si les savants s’y soumettent aussi facilement, j’en doute. Leur orgueil a trop à faire pour s’accommoder des découvertes qui bouleversent leurs théories. Quant à moi, qui n’avais aucune théorie à perdre et aucune science à contrarier, j’ai été témoin d’un de ces faits après lesquels le doute n’est plus possible. J’avais vu Mouny-Robin exercer la faculté de seconde vue, ou d’odorat porté jusqu’à la puissance canine, sans être bien convaincu qu’il y eût dans l’humanité des instincts aussi exceptionnels et outre-passant les bornes connues de nos facultés communes. Dix ans plus tard, je jouai aux cartes avec une somnambule dont la vue semblait tout à fait interceptée, et, quoiqu’elle fît des prodiges, je me repentis, en sortant, d’avoir signé le procès-verbal. Il me vint des méfiances que je n’avais pas eues tout de suite. Je soupçonnai sa mère d’être de connivence avec elle pour duper le public, et je me demandai avec une partie des opposants, quoique le bandeau fût impénétrable, si les contorsions qu’elle avait faites n’avaient pas un peu décollé l’appareil en dessous.
Mais, il y a deux mois, j’ai vu chez un médecin que je sais être un homme de conscience et de vertu, et que de nombreuses supercheries ont rendu plus méfiant que nous tous, une autre somnambule qui, malgré plusieurs bandeaux impénétrables, et privée de l’assistance de tout compère, exerça la faculté de la vue avec autant de netteté que je puis le faire avec d’excellents yeux et une clarté splendide. Cette fois, je poussai mon examen du fait jusqu’à la minutie, jusqu’à l’insolence, et je pourrais