Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/229

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Je vous donne un conseil qu’à peine je reçoi :
Du coup qui vous atteint vous mourez moins que moi.

Oui, le pâle traducteur des brûlantes paroles de Mazzini a souvent manqué de courage, non devant ses propres chagrins (ils n’ont rien qui mérite une plainte personnelle), mais devant les épreuves qu’il a vu subir, aux peuples d’abord, ensuite aux apôtres de la cause des peuples, aux meilleurs hommes de ce temps-ci. Tous dans la servitude, dans les fers ou dans l’exil, ce n’est rien ; c’est le sort de la guerre, et ils savaient bien, au moment où ils se sont levés pour la guerre, qu’ils étaient un contre dix ; mais tous calomniés, tous méconnus ! Hélas ! mon Dieu, pardonnez-moi ce reproche, c’est affreux, c’est infâme ! Si je ne craignais de blasphémer, je dirais c’est trop !

Si, depuis deux ans, je n’ai point élevé la voix, moi qui avais encore du loisir et de la liberté, pour défendre une à une toutes ces victimes du mensonge, ce n’est point le sentiment d’une fausse modestie qui m’a retenu. Je savais fort bien qu’une voix sincère, si peu harmonieuse et si peu retentissante qu’elle soit, a sa valeur comme son droit, dans la foule ; mais, je l’avoue, le dégoût m’a fermé la bouche. Ce n’est pas le nombre des adversaires qui impose, c’est la valeur morale de leur opposition ; mais, moi, j’ai senti ma parole étouffée, non par la crainte, mais par le dégoût de cette opposition jésuitique et systématique aux vérités les plus simples, aux notions les plus élémentaires de justice. Que peut-on répondre à ceux qui