Page:Sand - Souvenirs et Idées.djvu/260

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Le père du romantisme a son Pégase à lui, qu’il décrit quelque part en vers admirables, mais qui n’en est pas moins le bon vieux buveur d’Hippocrène, harnaché plus magnifiquement et doué d’un vol plus capricieux.

Quand le poète sans rival aujourd’hui monte sur le coursier ailé pour interroger le ciel sur les destinées de la terre, il dépouille sa personnalité réelle, il oublie son propre nom, il se spiritualise, il est le penseur et le poète, il exerce son sacerdoce, il joue son rôle, il rompt avec l’usage, il méprise le bon ton, il dépasse le bon goût, il use de son droit qui est de monter autant qu’une pensée peut monter au-dessus d’une situation, une aspiration au-dessus d’un fait, une volonté au-dessus d’un obstacle.

Ce départ pour l’empyrée où le poète dit : « Moi et Dieu », semble toujours un peu burlesque, malgré l’usage consacré par l’école ; mais, la chose étant donnée, il faut voir si le poète monte dans la région de l’inaccessible, ou s’il reste entre ciel et terre. Eh bien, celui-ci monte si haut que le ridicule disparaît et que le reproche ne porte plus.