Page:Sand - Tamaris.djvu/22

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encore trop de ressac dans mes eaux. Il faut aussi vous dire que je ne couche presque jamais ici. J’ai ma demeure au port de la Seyne, à une demi-heure de marche, sur l’autre versant de la presqu’île. Je viens tous les jours de grand matin visiter mes appâts et explorer mon quartier de pêche. Je fais une sieste, je fume une pipe, je me remets en pêche quand le temps est bon, et, au coucher du soleil, je retourne à la ville.

— Et vous ne laissez ici personne ? Votre propriété est respectée durant la nuit ?

— Oui, grâce aux douaniers et gardes-côtes qui sont échelonnés sur le rivage. Les gens du pays sont généralement honnêtes ; mais nos sentiers déserts, nos bastides isolées les unes des autres par de vastes vergers sans clôture, tentent ce ramassis de bandits étrangers que la mer, les grands ateliers et les chemins de fer nous amènent. Vous voyez que tous nos rez-de-chaussée sont grillés comme des fenêtres de prison, et, si vous demeuriez ici, vous sauriez qu’on ne sort pas la nuit sans être bien accompagné ou bien armé. Malgré tout cela, on vole et on assassine ; mais, avec un bon revolver et un bon casse-tête, on peut aller partout.

— Vous ne me donnez pas grand regret d’avoir dans vos parages une propriété à vendre au plus vite. Je n’aimerais pas à vivre sur ce pied de guerre avec mes semblables.