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Scène XI


MOLIÈRE, LAFORÊT.


LAFORÊT.

Hé ! pour l’amour de Dieu, monsieur mon maître, qu’est-ce que vous faites ici, quand tout le monde vous demande et que le roi crie après vous ?

MOLIÈRE.

Tu dis que le roi crie après moi ? Est-ce qu’il y a encore des rois ?… Je m’éveille d’un vrai chaos où il m’a semblé que tout avait changé de nom, de mode et de langage sur la terre… Cela faisait un ensemble assez noble et une fort honnête compagnie… Est-ce que tu serais aussi en léthargie, ma pauvre Laforêt ?

LAFORÊT.

Léthargie tant que vous voudrez, monsieur, mais le roi est dans la salle, le roi remplit la salle tout entière, du bas jusqu’en haut.

MOLIÈRE.

Ah ! ma foi, je suis fou, ou c’est toi qui perds le jugement, ma servante. Qui est-ce qui me jugera, maintenant, si Laforêt déraisonne ?

LAFORÊT.

Mais, monsieur, tournez-vous un peu, et regardez plutôt. Vous verrez si je vous mens. Regardez donc le roi qui vous attend depuis une heure, et tâchez à vous excuser en lui tournant quelque beau compliment de votre façon.

MOLIÈRE, s’approchant de la rampe et regardant la salle en mettant sa main devant ses yeux.

Le roi ? Je ne vois point le roi ; où se peut-il être caché ?

LAFORÊT, derrière lui.

Dites toujours votre excuse ; vous regarderez après.

MOLIÈRE, saluant.

Sire !…

Il s’arrête, croise les bras et reste pensif.