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Scène XI


ACTE Les Mêmes, BIENVENU, PIERRE.


BIENVENU, arrêtant Noël au moment où il va sortir.

Où cours-tu comme ça, mon gendre ? C’est l’heure de déjeuner, en attendant que nos apprentis reviennent. (Prenant le bras de Pierre, qui a voulu s’approcher de Valentin.) Or çà, tout va bien ! Il est prouvé malgré les beaux pronostics des jaloux, qu’avant la nuit nous serons prêts. Sainte Ursule ! j’en suis tout réconforté, et, puisque j’ai l’esprit en repos, il est juste que j’aie le cœur content ! Écoute, toi ! Et toi aussi, Reine !

PIERRE.

Mais vous n’allez pas lui dire… Je ne lui ai pas encore parlé, moi !

BIENVENU.

Raison de plus ! C’est à moi de la préparer adroitement… (À Reine, qui vient à lui tenant une assiette, pendant que Suzanne, aidée de Noël, sert le déjeuner, consistant en belles écuelles de soupe posées autour de la table.) Pose ça, filleule, et prête-moi attention ! (Il lui prend la main d’un air solennel.) Vous avez dû vous apercevoir, mon enfant, depuis que la Providence vous a amenée dans ma maison, que vous n’aviez pas pour parrain un homme ordinaire. Il est temps de vous apprendre à quel point maître Christophe Bienvenu s’élève par ses idées et ses sentiments au-dessus de ses semblables, (À Pierre, d’un air satisfait.) Hein ! la voilà toute tremblante !

PIERRE.

Mon père, je vous supplie…

BIENVENU.

Tais-toi, enfant, quand ton père a la parole ! Et toi, petite fille, rassure-toi. Je méprise le qu’en dira-t-on. On aura beau crier dans le pays que tu es sans naissance… (ayant des parents inconnus) et sans fortune… (n’ayant absolument rien) : tu es ma filleule, ça t’ennoblit ; tu m’aimes, ça m’enrichit ;