Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/165

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ici que tous ceux auxquels nous donnons la chasse. (Faisant des signes.) Par ici, par ici, l’ami !

LE DUC, surpris.

Un fou ? Oui, sur ma parole, un fou en jaquette bigarrée ! D’où sors-tu, et que cherches-tu en ce pays, mon pauvre fou ?

TOUCHARD.

Ne m’appelez fou que quand j’aurai épousé la fortune, car c’est une femme ingrate ; mais appelez-moi sot, trois fois sot d’être venu courtiser la misère, car c’est une fille maussade. (Il cherche à prendre un fruit à Audrey, qui passe près du duc.) C’est donc là cette fameuse forêt des Ardennes ?

AMIENS.

Est-ce donc par hasard que tu t’y trouves ?

TOUCHARD, guignant les mets qui passent près de lui.

Non ; et c’est d’autant plus sot à moi de m’y trouver !

Il prend un fruit à la dérobée dans la corbeille d’Audrey, qui le regarde ébahie.
LE DUC.

Demande ce que tu veux, mon ami !

TOUCHARD.

Ne faites pas attention. Je prends cette pomme pour philosopher sur le destin de l’homme. Ce fruit n’est-il pas son image ?

LE DUC, assis.

Voyons ta philosophie !

TOUCHARD.

Que faisait cette pomme sur son arbre, et que va-t-elle devenir si je ne la mange ? (il mord dans la pomme.) C’est ainsi que, d’heure en heure, nous mûrissons, mûrissons ; et puis, d’heure en heure, nous pourrissons, pourrissons, jusqu’à ce que la mort nous croque et que la terre nous avale.

LE DUC.

Voilà un fou sentencieux ! Êtes-vous tous maintenant de cette humeur-là ?