Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/446

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LA MARQUISE, effrayée, allant à Urbain.

Souffrant ? Vous étiez malade, Urbain ? J’en étais sûre.

URBAIN.

Non, ma mère… au moral, cela, je l’avoue ; mais ce chagrin s’effacerait pour toujours si vous décidiez mademoiselle de Saint-Geneix à partager ma vie.

LA MARQUISE.

Elle résiste, alors ? elle comprend… ?

URBAIN.

Elle croit que vous avez des idées… que je n’espère pas modifier ; je ne les ai jamais froissées, jamais discutées. Quelles que soient les miennes, de vous, ma mère, tout me semble sacré. Aussi je ne plaide pas une cause devant vous, je demande à votre amour pour moi un grand et sérieux sacrifice.

LA MARQUISE.

Urbain,… que me demandez-vous là !

LE DUC.

Un sacrifice que vous vous exagérez tous les deux. Il ne faut pas raisonner ici, ma chère mère, il faut vous souvenir.

LA MARQUISE.

Me souvenir de quoi ?

LE DUC.

D’avoir été jeune. (Mouvement de la marquise.) Oh ! je la sais, moi, cette touchante histoire de vos belles années. Il y a des souvenirs qui frappent les enfants, parce qu’ils les frappent au cœur. Je me rappelle que mes nobles parents, un tas d’hidalgos, tous descendants du Cid en droite ligne ! ne trouvaient pas le marquis de Villemer assez titré pour devenir mon beau-père. C’est pourtant le seul père que j’aie connu, et il vous a rendu la plus heureuse des femmes. Eh bien, je suppose que, parmi ses ancêtres, il y eût eu deux ou trois généraux de moins et un conseiller au parlement de plus, votre mariage eût-il été moins respectable, votre amour moins légitime, votre bonheur moins pur ? Je n’en crois rien, et, permettez-moi de vous le dire, vous n’en eussiez pas