Page:Sandeau - Sacs et parchemins.djvu/441

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n’avais rien à désirer. Mon âme, naturellement généreuse, s’abandonnait à la reconnaissance ; mais je ne tardai pas à comprendre le but égoïste de mes prétendus bienfaiteurs. Je venais d’avoir neuf ans. Mon père adoptif me fit un long sermon pour me démontrer les avantages du travail, et m’envoya le jour même à l’école. C’est à l’école que je compris pour la première fois les deux grands vices de notre société, l’injustice et l’inégalité. À l’heure du déjeûner, je tirai de mon panier une tartine de beurre ; l’enfant assis près de moi mordait dans une tartine de confitures. Je n’avais que neuf ans, pourtant cette tartine de confitures m’illumina d’une clarté subite, et fut pour moi la première révélation de la vérité sociale.

— À neuf ans ! s’écria M. Levrault.

— Le lendemain, poursuivit Solon, à l’heure de la récréation, trois enfants étaient