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le purgatoire

et le franc s’équilibraient à Berne. Au surplus, notre changeur ne nous versait pas de l’argent ou du papier allemand. Il nous alignait des pièces de zinc, qui n’ont cours que dans l’intérieur du camp et qui sont les seules à avoir cours ; d’un côté, elles portent le chiffre de la somme qu’elles représentent, un pfennig ou cinquante marks ; et de l’autre, l’aigle boche, avec cette inscription :

« Wertmarke — Zitadell Mainz ».

L’examen des vingt-deux sacs fut long. Chaque officier protestait. L’Allemand le laissait protester, objectait qu’il avait reçu des ordres, et continuait son petit travail de pillage organisé. Comme il devait sourire à part soi de nos prétentions ! Il ne s’emportait pas, il gardait un calme magnifique sous les réclamations et les outrages. Et son camarade n’avait pas moins de sang-froid en nous comptant nos pièces de zinc. D’ailleurs, j’allais l’oublier, il ne nous rendait pas intégralement la somme allemande à laquelle nous avions droit. Il nous retenait, en effet, un certain nombre de marks et de pfennigs, pour la chemise, le caleçon, les chaussettes et la savonnette qu’on nous avait distribués à la salle de douches. Car il ne faut pas croire que le Gouvernement Impérial et Royal nous fit cadeau de ces choses, comme don de bienvenue. Il nous les faisait même payer assez cher.

Ainsi s’achevait cette deuxième journée de quarantaine, dans le « saloir » de Mayence, au milieu d’une effervescence assez grande, lorsqu’un incident d’une haute importance pour nous se produisit vers six heures du soir. La porte s’ouvrit, et une image de Hansi parut, qui m’éblouit au point que je pensai