Page:Sannazare - L'Arcadie, Martin, 1544.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
DE SANNAZAR. 8

Ces arbres cy d’elle tiennent propoz,

S oyent agitez du vent, ou de repoz :

E t montre bien chascun en son escorce

C omm’elle y est gravée a fine force,

C e qui me faict, telle fois est, complaindre,

E t puis chanter gayment sans me faindre.

Pour son plaisir mes Toreaux & Belliers

F ont bien souvent des combatz singuliers.


En escoutant la piteuse lamentation du dolent Ergasto, chascun de nous ne fut moins remply de pitié que d’esbahissement : car combien que sa noix debile, & ses accentz entrerõpuz, nous eussent desia faict plusieurs fois grievement souspirer, si est ce qu’en se taisant, seulement l’obgect de son visaige defaict & mortifié, sa perruque herissée, & ses yeux tous meurdriz a fine force de pleurer, nous eussent peu donner ocrasion de nouvelle amertume. Mais quand il eut mis fin a ses parolles, & que semblablement les forestz resonnãtes se furent appaisées, il n’y eut aucun de la compagnie qui eust courage de l’abandonner pour retourner aux ieux entrepriz ny qui se souciast d’achever les cõmencez, ains estoit chascun si marry de son infortune, que tous particulieremêt s’efforceoyent selon leur puissance ou scavoir, le retirer de son erreur, luy ensei-