Page:Sardou - Le Roi Carotte.djvu/50

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ROSÉE-DU-SOIR, un genou en terre.

Je le sais, monseigneur… Et orphelin, libre de ma personne, j’ai pensé que vous n’aviez plus un domestique à vos côtés, et je suis venu vous supplier de vouloir bien m’accepter pour votre page, votre serviteur… votre esclave !

FRIDOLIN, ému, le regardant.

En vérité ?

ROSÉE-DU-SOIR, joignant les mains.

De grâce, mon cher seigneur, ne me refusez pas cette joie !…

FRIDOLIN.

Hélas ! cher enfant… Je suis plus touché de ton offre que je ne puis le dire : mais sais-tu bien ce que tu demandes ? Je suis proscrit, menacé… mis à prix !… sans un toit où reposer ma tête ! sans un ami pour me venir en aide !

ROSÉE.

Raison de plus pour accepter la mienne !

FRIDOLIN.

Mais c’est le froid, c’est la faim… la misère !

ROSÉE.

Je le sais !

FRIDOLIN.

Et tu persistes, malgré cela ?

ROSÉE.

Ah ! Dieu !… à cause de cela même !

FRIDOLIN.

Relève-toi, cher enfant ! Et puisque tu le veux, reste avec moi, non pas comme un serviteur, mais comme un ami fidèle, comme un jeune frère ! — Allons ! voilà qui me console un peu des autres !… Il y a encore de braves cœurs par le monde !

ROBIN, souriant.

Pas chez les femmes ! — Oh non !

FRIDOLIN.

Oh non ! — Un vieillard et deux enfants… voilà toute ma cour ! À propos ! Et Truck ?…

TRUCK, sur l’appui de la croisée, avec son chapeau tout défrisé et son costume en désordre.

Présent !… Quel chemin ! — Je viens d’avoir des raisons, derrière une cheminée, avec un chat ! (Il descend.)

ROBIN, riant.

Ça se voit !

TOUS, soufflant.

Ouf !…