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faite pour donner au talent de Félix Herbet le développement le plus conforme à sa nature… Comme son patron, Me Herbet avait l’aversion de la vulgarité, de l’érudition pédante, des formes solennelles et guindées, du style pompeux, des phrases emportées ; il se plaisait à traduire sa pensée avec simplicité, en formules courtes et alertes, à résumer dans un trait rapide et en quelques mots incisifs toute une discussion ; il estimait qu’un argument ne perd rien de sa valeur pour être présenté avec esprit ; mais on ne le vit jamais recourir à l’ironie et à la malignité pour le plaisir d’amuser l’auditoire et de blesser le client de l’adversaire, car il eût souffert lui-même d’une souffrance infligée inutilement, et d’ailleurs il avait naturellement dans l’expression de sa pensée une retenue, une mesure, et une sorte de modestie, qui le préservaient comme d’une chose inélégante, de l’esprit employé mal à propos [1]. »

Il est piquant de rapprocher de ce jugement, la confession formulée par Félix Herbet lui-même dans la vivante notice qu’il consacra en 1905 à la mémoire de Léon Cléry. « La plaidoirie n’est pas une pure œuvre d’art ; les personnages qu’elle met en scène ne sont pas des acteurs, des personnages fictifs ; elle n’appartient pas exclusivement à l’avocat qui l’a prononcée ; le client et surtout l’adversaire ont droit d’exiger le silence, quand il n’y a plus en jeu qu’un intérêt esthétique. »

Léon Cléry eut sur son secrétaire une autre influence dont devait bénéficier l’archiviste-paléographe autant que l’avocat : il l’orienta vers les questions d’art. Gendre du marchand de tableaux Goupil, Léon Cléry était devenu un spécialiste des litiges artistiques. L’âge venant, il eut tendance à se dessaisir de plus d’une de ces sortes d’affaires au profit de son secrétaire, très naturellement apte, lui-même, à se passionner pour de telles matières. En effet, si les ascendants directs de Félix Herbet appartenaient au haut commerce amiénois, il avait néanmoins rencontré dans sa famille même un sculpteur et un peintre. Celui-ci, Léon Thuillier, après avoir connu toutes les consécrations des salons, a laissé un nom dans le

  1. Gazette des Tribunaux des 5-7 novembre 1917.