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Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/138

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tre termes : on a dit d’abord faciōconfaciō ; puis confaciō s'étant transformé en conficiō, tandis que faciō subsistait sans changement, on a prononcé faciōconficiō. Soit :

faciō confaciō Époque A.
faciō conficiō Époque B.

Si un « changement » s’est produit, c’est entre confaciō et conficiō ; or la règle, mal formulée, ne mentionnait même pas le premier ! Puis à côté de ce changement, naturellement diachronique, il y a un second fait, absolument distinct du premier et qui concerne l’opposition purement synchronique entre faciō et conficiō. On est tenté de dire que ce n’est pas un fait, mais un résultat. Cependant, c’est bien un fait dans son ordre, et même tous les phénomènes synchroniques sont de cette nature. Ce qui empêche de reconnaître la véritable valeur de l’opposition faciōconficiō, c’est qu’elle n’est pas très significative. Mais que l’on considère les couples GastGäste, gebegibt, on verra que ces oppositions sont, elles aussi, des résultats fortuits de l’évolution phonétique, mais n’en constituent pas moins, dans l’ordre synchronique, des phénomènes grammaticaux essentiels. Comme ces deux ordres de phénomènes se trouvent par ailleurs étroitement liés entre eux, l’un conditionnant l’autre, on finit par croire qu’il ne vaut pas la peine de les distinguer ; en fait la linguistique les a confondus pendant des dizaines d’années sans s’apercevoir que sa méthode ne valait rien.

Cette erreur éclate cependant avec évidence dans certains cas. Ainsi pour expliquer le grec phuktós, on pourrait penser qu’il suffit de dire : en grec g ou kh se changent en k devant consonnes sourdes, en exprimant la chose par des correspondances synchroniques, telles que phugeîn : phuktós. lékhos : léktron, etc. Mais on se heurte à des cas comme tríkhes : thriksí, où l’on constate une complication : le