Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/172

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un syntagme, un terme n’acquiert sa valeur que parce qu’il est opposé à ce qui précède ou ce qui suit, ou à tous les deux.

D’autre part, en dehors du discours, les mots offrant quelque chose de commun s’associent dans la mémoire, et il se forme ainsi des groupes au sein desquels régnent des rapports très divers. Ainsi le mot enseignement fera surgir inconsciemment devant l’esprit une foule d’autres mots (enseigner, renseigner, etc., ou bien armement, changement, etc., ou bien éducation, apprentissage) ; par un côté ou un autre, tous ont quelque chose de commun entre eux.

On voit que ces coordinations sont d’une tout autre espèce que les premières. Elles n’ont pas pour support l’étendue ; leur siège est dans le cerveau ; elles font partie de ce trésor intérieur qui constitue la langue chez chaque individu. Nous les appellerons rapports associatifs.

Le rapport syntagmatique est in praesentia ; il repose sur deux ou plusieurs termes également présents dans une série effective. Au contraire le rapport associatif unit des termes in absentia dans une série mnémonique virtuelle.

À ce double point de vue, une unité linguistique est comparable à une partie déterminée d’un édifice, une colonne par exemple ; celle-ci se trouve, d’une part, dans un certain rapport avec l’architrave qu’elle supporte ; cet agencement de deux unités également présentes dans l’espace fait penser au rapport syntagmatique ; d’autre part, si cette colonne est d’ordre dorique, elle évoque la comparaison mentale avec les autres ordres (ionique, corinthien, etc.), qui sont des éléments non présents dans l’espace : le rapport est associatif.

Chacun de ces deux ordres de coordination appelle quelques remarques particulières.