Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/198

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distinction — qui doit être maintenue — entre le diachronique et le synchronique demanderait des explications délicates, incompatibles avec le cadre de ce cours[1].

Dans ce qui suit, nous étudions successivement les changements phonétiques, l’alternance et les faits d’analogie, pour terminer par quelques mots sur l’étymologie populaire et l’agglutination.

  1. À cette raison didactique et extérieure s’en ajoute peut-être une autre : F. de Saussure n’a jamais abordé dans ses leçons la linguistique de la parole (v. p. 36 sv.). On se souvient qu’un nouvel usage commence toujours par une série de faits individuels (voir p. 138). On pourrait admettre que l’auteur refusait à ceux-ci le caractère de faits grammaticaux, en ce sens qu’un acte isolé est forcément étranger à la langue et à son système lequel ne dépend que de l’ensemble des habitudes collectives. Tant que les faits appartiennent à la parole, ils ne sont que des manières spéciales et tout occasionnelles d’utiliser le système établi. Ce n’est qu’au moment où une innovation, souvent répétée, se grave dans la mémoire et entre dans le système, qu’elle a pour effet de déplacer l’équilibre des valeurs et que la langue se trouve ipso facto et spontanément changée. On pourrait appliquer à l’évolution grammaticale ce qui est dit pp. 36 et 121 de l’évolution phonétique : son devenir est extérieur au système, car celui-ci n’est jamais aperçu dans son évolution ; nous le trouvons autre de moment en moment. Cet essai d’explication est d’ailleurs une simple suggestion de notre part (Éd.).