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Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/299

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ritoire de ces langues se trouve être par hasard le même que celui où l’on parlait latin, et chacune d’elles n’est que du latin évolué. De même nous avons vu que le perse des inscriptions de Darius est le même dialecte que le persan du moyen âge. Mais l’inverse est beaucoup plus fréquent : les témoignages des diverses époques appartiennent à des dialectes différents de la même famille. Ainsi le germanique s’offre successivement dans le gotique d’Ulfilas, dont on ne connaît pas la suite, puis dans les textes du vieux haut allemand, plus tard dans ceux de l’anglo-saxon, du norrois, etc. ; or aucun de ces dialectes ou groupes de dialectes n’est la continuation de celui qui est attesté antérieurement. Cet état de choses peut être figuré par le schéma suivant, où les lettres représentent les dialectes et les lignes pointillées les époques successives :

. . . . . . . . . A . . . Époque 1
. . . . . B . . . | . . . Époque 2
. . C . . . D . . . . Époque 3
. . . . . . . E . Époque 4

La linguistique n’a qu’à se féliciter de cet état de choses ; autrement le premier dialecte connu (A) contiendrait d’avance tout ce qu’on pourrait déduire de l’analyse des états subséquents, tandis qu’en cherchant le point de convergence de tous ces dialectes (A, B, C, D, etc.), on rencontrera une forme plus ancienne que A, soit un prototype X, et la confusion de A et de X sera impossible.