Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/70

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savoir en quoi ils consistent que ce qui les distingue les uns des autres. Or un facteur négatif peut avoir plus d’importance pour la classification qu’un facteur positif. Par exemple l’expiration, élément positif, mais qui intervient dans tout acte phonatoire, n’a pas de valeur différenciatrice ; tandis que l’absence de résonance nasale, facteur négatif, servira, aussi bien que sa présence, à caractériser des phonèmes. L’essentiel est donc que deux des facteurs énumérés plus haut, sont constants, nécessaires et suffisants pour la production du son :

a) l’expiration,
b) l’articulation buccale,
tandis que les deux autres peuvent manquer ou se surajouter aux premiers :
c) la vibration du larynx,
d) la résonance nasale.

D’autre part, nous savons déjà que a, c et d sont uniformes, tandis que b comporte des variétés infinies.

En outre il faut se souvenir qu’un phonème est identifié quand on a déterminé l’acte phonatoire, et que réciproquement on aura déterminé toutes les espèces de phonèmes en identifiant tous les actes phonatoires. Or ceux-ci, comme le montre notre classification des facteurs en jeu dans la production du son, ne se trouvent différenciés que par les trois derniers. Il faudra donc établir pour chaque phonème : quelle est son articulation buccale, s’il comporte un son laryngé (〰) ou non ([ ]), s’il comporte une résonance nasale (....) ou non ([ ]). Quand l’un de ces trois éléments n’est pas déterminé, l’identification du son est incomplète ; mais dès qu’ils sont connus tous les trois, leurs combinaisons diverses déterminent toutes les espèces essentielles d’actes phonatoires.