Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/81

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pour qu’on ait représenté la suite pp par un seul p (voir p. 66, note). Cependant c’est cette différence qui nous permet de distinguer par des signes spéciaux (˃ ˂) les deux p de appa (ap͐p᷾a) et de les caractériser quand ils ne se suivent pas dans la chaîne (cf. ap͐ta, atp᷾a). La même distinction peut se poursuivre au delà des occlusives et s’applique aux fricatives (af͐f᷾a), aux nasales am͐m᷾a, aux liquides (al͐l᷾a), et en général à tous les phonèmes jusqu’aux voyelles (ao͐o᷾a) sauf a.

On a appelé la fermeture implosion et l’ouverture explosion ; un p est dit implosif () ou explosif (p᷾). Dans le même sens on peut parler de sons fermants et de sons ouvrants.

Sans doute, dans un groupe comme appa, on distingue, outre l’implosion et l’explosion, un temps de repos dans lequel l’occlusion se prolonge ad libitum, et s’il s’agit d’un phonème d’aperture plus grande, comme dans le groupe alla, c’est l’émission du son lui-même qui continue dans l’immobilité des organes. D’une façon générale, il y a dans toute chaîne parlée de ces phases intermédiaires que nous appellerons tenues ou articulations sistantes. Mais elles peuvent être assimilées aux articulations implosives, parce que leur effet est analogue ; il ne sera tenu compte dans la suite que des implosions ou des explosions[1].

Cette méthode, qui ne serait pas admissible dans un traité complet de phonologie, se justifie dans un exposé qui ramène à un schéma aussi simple que possible le phénomène de la syllabation considéré dans son facteur essentiel ; nous ne pré-

  1. C'est là un des points de la théorie qui prête le plus à discussion. Pour prévenir certaines objections, on peut faire remarquer que toute articulation sistante, comme celle d'un f, est la résultante de deux forces: 1o la pression de l'air contre les parois qui lui sont opposées et 2o la résistance de ces parois, qui se resserrent pour faire équilibre à cette pression. La tenue n'est donc qu'une implosion continuée. C'est pourquoi, si l'on fait suivre une impulsion et une tenue de même espèce, l'effet est continu d'un bout à l'autre. À ce titre, il n'est pas illogique de réunir ces deux genres d'articulation en une unité mécanique et acoustique. L'explosion s'oppose au contraire à l'une et à l'autre réunies : elle est par définition un desserrement ; voir aussi § 6 (Ed.).