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système des a suivant fick et schleicher.

a s’est scindé dans la période européenne en a et e. Lorsqu’un mot montre e dans toutes les langues, il faut supposer que le changement de son a en e remonte jusqu’à cette période ; apparaît-il au contraire avec a ou o, ne fût-ce que dans une seule langue, il faut admettre que l’a subsistait encore à l’époque de la communauté. L’ablaut du grec δέρκομαι δέδορκα, mais surtout du germanique ita at, est une admirable utilisation du scindement de l’a. Sur ce dernier point chez M. Curtius cf. la note ci-dessous [p. 4].

Autre était le système de Schleicher. Admettant dans chaque série vocalique deux degrés de renforcement produits par l’adjonction d’un ou de deux a, il posait pour la série de l’a les trois termes : a aa āa.

Il retrouve ces trois degrés en grec : a y est représenté ordinairement par ε (ex. ἔδω), puis par ο (ποδός) et par α (ἄκων). a + a, le premier renforcement, est représenté par ο lorsqu’il se produit sur un ε, ainsi « γέ-γον-α, forme première : ga-gān-a ; skr. ǵá-ǵān-a, à côté de ἐ-γεν-όμην. » Ce même degré se traduit sous la forme de ᾱ, η, lorsqu’il a un α pour base : ἔλακον, λέλᾱκα. Le second renforcement est ω : ἔρρωγα. – Le gotique posséderait aussi les trois degrés ; les autres langues auraient confondu les deux renforcements.

L’arbre généalogique des langues, tel que le construisait Schleicher, n’étant pas celui que la plupart des autres savants ont adopté et ne comportant pas de période européenne, il est clair que l’e des langues d’Europe ne remonte pas pour lui à une origine commune. En particulier l’i gotique a dans son Compendium une tout autre place que l’ε grec : ce dernier est considéré comme le représentant régulier de l’a indo-européen, l’i gotique comme un affaiblissement anormal. Nous faisons donc abstraction de l’idée d’un développement historique commun du vocalisme européen, en formulant dans le schéma suivant le système de Schleicher :

Indo-europ. a aa āa
Européen a e o a o ā ā

Il faut noter en outre que l’α grec et l’a latin ne sont pas mentionnés comme degrés renforcés.

Dans un opuscule intitulé : Die bildung der tempusstämme durch vocalsteigerung (Berlin 1871), le germaniste Amelung, prématurément enlevé à la science, a essayé d’appliquer le système de Schleicher d’une manière plus conséquente en le combinant avec la donnée de l’e commun européen. Cet e est à ses yeux