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nasale sonante placée a la fin du mot.

et *ποιμᾰ-σi. Il a subsisté quelques débris de cette formation : κυ-ν-ός du thème κυ-ον, φρ-ᾰ-σί (Pindare) du thème φρ-εν. V. Brugmann, Stud. IX 376.

Au nom.-acc. sing. des neutres en -man, l’a final de skr. nā́ma, zd. nãma, gr. ὄνομα[1] est sorti, aussi bien que l’ę du slave imę et l’en du lat. nōmen, d’une nasale sonante indo-européenne. Morphologiquement, c’est ce que font conclure toutes les analogies, ainsi celle de l’ind. dātŕ̥ au nom.-acc. neutre ; phonétiquement, c’est la seule hypothèse qui rende compte de l’absence de la nasale dans les deux premières langues citées. – Voilà la première fois que nous rencontrons une nasale sonante à la fin du mot, et le cas mérite une attention spéciale. Si simple que la chose paraisse à première vue, elle ne laisse pas que d’embarrasser quelque peu, aussitôt qu’on considère le mot dans son rôle naturel de membre de la phrase. L’indien dātŕ̥, qui vient d’être cité, placé devant un mot commençant par une voyelle, comme api, donnerait, d’après les règles du sandhi : dātrapi. En d’autres termes, le dātr̥ du paradigme n’a de réalité que suivi d’une consonne ou finissant la phrase ; devant les voyelles il n’y a que dātr. Et cependant (ce qui veut dire : r doué d’accent syllabique) peut fort bien se maintenir devant les voyelles. C’est ainsi que la phrase anglaise: the father is se prononcera couramment : the fathr̥ is, non pas : the fathr is[2]. Il en est de même de dans l’allemand siebn̥-und-zwanzig (sieben-und-zwanzig).

Un mot indo-européen comme stāmn (nom.-acc. de stāman- = skr. sthāman-[3]) a donc pu faire à la rencontre d’une voyelle, devant api par exemple : stāmn‿api – ou bien stāmn̥‿api (cf. note 2). Se décider pour la première alternative serait peut-être admettre implicitement qu’on disait madhw api et non madhu api, c’est-à-dire

  1. Le τ des cas obliques (ὀνόματος) n’a probablement existé à aucune époque au nomin.-accusatif. – Le got. namo n’est pas mentionné, parce qu’il est de formation nouvelle.
  2. Il est vrai que , etc. placés devant une voyelle paraissent se dédoubler en r̥r, n̥n etc. V. Sievers, Lautphysiol., p. 27 au milieu. Et, bien qu’on puisse dire que i et u sont aussi consonnes durant un instant dans le passage des organes à une autre voyelle, dans ia ou ua par exemple, il n’en reste pas moins certain que la triple combinaison phonique 1) i̯a. 2) ia c.-à-d. ia. 3) ii̯a, transportée dans la série nasale se réduit à 1) na et 2. 3) n̯na, dans la série de l’r : à 1) ra et 2. 3) r̥ra. – désigne l’i consonne.
  3. Le mot choisi plus haut pour exemple (skr. nāman) ne convenait plus ici, parce que la forme primitive de sa syllabe initiale est assez incertaine.