Page:Saussure - Recueil des publications scientifiques 1922.djvu/433

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
423
SUR UN POINT DE LA PHONÉTIQUE DES CONSONNES EN INDO-EUROPÉEN.

φέρω, et l’accentuation sur la radicale n’a plus rien que de régulier. Ajoutons que le participe en -- de med- existe encore dans μεστός « rempli », proprement « qui a sa mesure, qui a son compte de ». Μέτρον et μεστός illustrent les traitements différents de la double dentale, selon qu’elle est suivie d’une liquide ou d’une voyelle.

2o Le mot poétique φιτρός signifie bûche, poutre, bloc de bois. Il ne se dit que du bois coupé ou travaillé à la hache. Comme il n’y a aucune raison de croire que l’ι ait été long[1], le mot se ramène sans difficulté à la racine de findo : bhitró- = bhid + tró-.

Il n’y a peut-être pas grand’chose de plus à espérer en fait d’indices matériels, mais la question se présente encore sous une autre face. Il reste à raisonner le phénomène en lui-même, car si la loi présumée est telle qu’on en puisse concevoir une théorie simple et plausible, il y aura en sa faveur une considération de vraisemblance intrinsèque s’ajoutant au poids des preuves historiques.

La nature du changement dépend absolument de la valeur qu’on attribuera à un groupe comme setlo, metro au moment où le changement est supposé se produire. Phonétiquement, en effet, un groupe metro peut représenter deux successions de sons extrêmement différentes. Premièrement, met | ro en prononçant le t « implosivement » : le t appartient de ce fait à la première syllabe et lui assure la quantité longue. En second lieu, me | tro par un t « explosif » : autre coupe syllabique, autre quantité de la première syllabe.

Aux temps helléniques, un groupe μετρο est un groupe indéterminé à l’égard de la scansion. Il représente soit μετ , soit με . De ces deux prononciations, si la seconde possédait en fait d’ancienneté des titres égaux à l’autre, nous renoncerions à revendiquer pour metrom, ou setlom, ou toute autre des formes citées, la possibilité d’une double dentale primitive. Une forme telle que me | trom en effet ne se comprendrait pas comme résultant d’un type initial met-trom.

Mais ce que nous savons de la langue mère permet précisément d’éliminer en toute sécurité le terme me | tro. C’est un fait sur lequel il ne peut y avoir de doute que les scansions telles que me | tro, me | kro, me | pro, etc., lui étaient étrangères en principe, comme elles le sont à la prononciation hindoue et même à la poésie

  1. Si ce n’est le traditionnel rapprochement avec φῖτυ (= *φῦτυ) qui n’est pas phonétiquement admissible.