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phénomènes anaptyctiques postérieurs.

Le germanique est très riche en phénomènes de ce genre ; c’est, comme on pouvait attendre, l’u qui tient ici la place de l’a grec. M. Sievers (loc. cit., p. 119) ramène la 1e pers. pl. parf., bitum à bitm̥ né lors de la chute de l’a de *(bi)bitmá. Cf. plus haut p. 11 i. n. – M. Sievers explique semblablement lauhmuni, p. 150.

M. Osthoff considère le dat. pl. broþrum (l’u de ce cas est commun à tous les dialectes germaniques) comme étant pour broþr̥m, skr. bhrā́tr̥bhyas. Mais il reste toujours la possibilité que la syllabe um soit ici de même nature que dans bitum. En d’autres termes l’accent syllabique pouvait reposer sur la nasale, aussi bien que sur la liquide. Cf. les datifs du pluriel gotiques bajoþum, menoþum, où la liquide n’est point en jeu.

Quant aux participes passifs des racines à liquides ou à nasales de la forme A (p. 9), comme baurans en regard du skr. babhrāṇá, il faut croire que la voyelle de soutien est venue, le besoin d’ampleur aidant, de certains verbes où la collision des consonnes devait la développer mécaniquement, ainsi dans numans pour *nmans, stulans pour *stlans. Ajoutons tout de suite que les formes indiennes comme ça-çram-āṇá (= ça-çrm̥m-āṇá) présentent le même phénomène, et que dans certaines combinaisons il date nécessairement de la langue mère. En thèse générale, les insertions récentes dont nous parlons se confondent souvent avec certains phonèmes indo-européens dont nous aurons à parler plus tard, et qu’il suffit d’indiquer ici par un exemple : got. kaurus = gr. βαρύς, skr. gurú.

On sait l’extension qu’a prise dans l’italique le développement des voyelles irrationnelles. Le groupe ainsi produit avec une liquide coïncide plus ou moins avec la continuation de l’ancienne liquide sonante ; devant m au contraire nous trouvons ici e, là u : (e)sm(i) devient sum, tandis que pedm̥ devient pedem. Un n semble préférer la voyelle e : genu est pour *gnu, sinus pour *snus (skr. snú Fick, W. I³ 226).

En zend, ce genre de phénomènes pénètre la langue entière ; c’est en général un e qui se développe de la sorte. – Le sanskrit insère un a devant les nasales ; nous en avons rencontré quelques cas précédemment ; la prosodie des hymnes védiques permet, comme on sait, d’en restituer un grand nombre. D’autres fois l’a se

    à l’aoriste actif après une double consonne, mais non dans d’autres conditions : il faut donc que ἐάλην, ἐδάρην soient formés secondairement sur l’analogie de ἐτάρπην, ἐδράκην etc., qui eux-mêmes s’étaient dirigés sur ἐταρπόμην, ἔδρακον etc.