Page:Saussure - Recueil des publications scientifiques 1922.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

64 LA DIPHTONGUE eil DANS LES LANGUES LETTO-SLAVES.

Lors même que la supposition de M. Schmidt ne devrait pas se vérifier, lors même qu'il n'existerait aucun indice d'une diphton- gue eu dans le domaine letto-slave, il ne s'en suivrait pas qu'elle n'a jamais existé: les langues italiques non plus ne possèdent pas l'eu, et n'était le seul Leucetio, on pourrait venir dire que jamais dans l'italique l'ancienne dipthongue au n'a eu la forme eu. Per- sonne ne doute cependant que douco ne soit sorti de *deuco. La même chose semble s'être passée dans le letto-slave, non seulement dans la diphongue, mais aussi, comme en latin dans le groupe ev. Ceci se voit avec le plus de clarté dans le paléosl. clovèkù: le lette zilivehs montre en effet que Vo n'est pas primitif \ et sans aller si loin il suffit de constater la palatale initiale c pour savoir que la forme ancienne est *celvëkû (voy. à ce sujet J. Schmidt, Voc. Il 38 seq.). D'où vient Vo par conséquent? Il ne peut venir que du v avec lequel la métathèse de la liquide l'avait mis en contact. — Par un raisonnement d'un autre genre on acquiert la conviction que slovo est sorti de *slevo: en effet les neutres en -as n'ont de toute antiquité que a^, jamais ag, dans la syllabe radicale: il en est ainsi dans l'arien, le grec, le latin, le germani- que. Or le slave lui-même n'enfreint point cette règle, ainsi que le montre nebo = gr. véqpoç. Comment donc expliquer sîovo = KXé/bç autrement que par l'influence du v sur \'e? Il y aurait la même remarque à faire sur le présent pîovq = gr. TiXé/lu, -car irXibuj est évidemment de formation postérieure. — Dans une syllabe de désinence nous trouvons semblablement en sanskrit sûn'kvas, en grec Ttrix^eç, en gotique stmjiis, et dans le slave seul synove.

Cette action du v qui a duré fort tard, comme le montre clo- vèkù, commence de se produire dès la période d'unité letto-slave. En regard du grec vé/b-ç apparaît en lituanien naûjas comme en slave novû.

Ici quelques mots sur Vu lituanien. En présence de la com- plète équivalence de cet a et de Vo slave (tous deux représentent A et «2)» O" se demande naturellement auquel des deux phonèmes appartient la priorité. Le mot dont il vient d'être question est-il sous sa forme letto-slave novos ou bien navas'i A voir toutes les fluctuations entre Vo et Va des différents dialectes de la Baltique, borussien, lituanien, lette, et à considérer la divergence de teinte

1. On trouve aussi Ve dans le got. fairhvus c monde» qu'on peut ra- mener à *hverhvii8, *hvefvehvu8 et rapprocher de ëlovèkû.

�� �