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LA DIPHTONGUE eil DANS LES LANGUES LETTO-SLAVES. 65

entre l'a bref et l'a long soit en lituanien soit en slave (lit. a: 6; si. oui), une troisième hypothèse se présente vite à l'esprit, savoir nâvâs. Dans la période letto-slave on aurait prononcé non un a pur, mais un â, bref et long. Sans doute il n'y a pas pour cette hypothèse d'argument bien positif, mais il y en a encore moins, croyons-nous, qu'on puisse invoquer contre elle. Elle appuie les faits d'assimilation dont nous parlions, comme d'autre part elle en est appuyée. La méthode comparative est et sera toujours obligée de recourir parfois à ces sortes d'inductions doubles.

Je cite encore le lit. javai, gr. Zeà (skr. yâva), sâvo, gr. é/oç, puis deux mots où le même phénomène se manifeste, semble-t-il, en sens inverse comme dans le lat. vomo pour *vemo. Ce sont vâkaras = gr. ê(TTTepoç, si. vecerû\ vasarà = gr. ëap, lat. vër. Plusieurs de ces exemples et des précédents font partie de la liste où M. J. Schmidt consigne les cas prétendus de concordance incomplète de Ve dans les langues européennes: ce seraient, si tout ceci n'est pas illusoire, autant de numéros à retrancher d'un catalogue déjà bien diminué.

Cette transformation letto-slave de ev en âv diffère du phéno- mène analogue que présente l'italique principalement en ce qu'elle n'a pas lieu constamment. Il faut bien qu'il y ait une cause pour que devetî (lit. devynî) n'ait pas été traité comme '^slevo devenu sîovo, mais cette cause demeure cachée. — Dans la diphtongue au contraire l'assimilation de Ye est la règle, abstraction faite des cas tels que hljudq et riâugmi que nous avons vus plus haut. Il y a peut-être une preuve de cette double origine de Vau (en dernière analyse elle est triple, Va (â) étant lui-même formé de a -|- a^) dans le génitif lituanien sunaûs des thèmes en -u en regard du gén. akes (et non ^akais») des thèmes en -i^. Toutefois le rapport exact entre ë et ai étant encore incertain, nous n'insistons pas.

Dans la descendance letto-slave des diphtongues a^i, a^i, Ai, il y a également, nous venons d'y faire allusion, des perturbations assez graves. La signification exacte de Vi et de l'e en sla.ve, de l'c (ei) et de ïai en lituanien est encore un problème. Il semble que \'ë de la dernière langue, qui représente apparemment a^i, ne soit ailleurs qu'une dégradation de l'ai: on a par exemple, en regard du got. haims, du boruss. kaima, voire même du lit. kaimynas, un ë dans kemas.

1. Vau du gotique sunaiis ne s'explique pas de la sorte, comme le fait voir la forme correspondante des thèmes en -i qui, elle aussi, a l'a: anstais. Jusqu'à présent cet au et cet ai ne s'expliquent pas du tout.

de Saussure, Oeuvres. 6

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