Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/110

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Leur ferme se dressait devant une aire ensablée où pourrissaient, et puis séchaient les varechs en meules vertes, rousses et noires.

Une odeur fétide s’en dégageait. Des rivières couleur de purin s’étaient formées, retournant l’eau des mers vers la grève. Les longues tiges d’algues des grands fonds, mises à part, pour faire le feu, semblaient des serpents qui s’étiolaient parmi la désolation de l’îlot rocailleux. Des brindilles éparses de varech séchaient, racornissaient, s’allégeaient. Alors le vent les promenait de pierre en pierre, avec un bruit sec ; et ces crissements métalliques étaient la seule chanson des plantes qui, la nuit, berçait leur sommeil.

Un enfant leur vint, tout de suite, et puis un autre. Ils amenèrent le premier à Lan Pol pour le baptême, fête de famille. Le second fut conduit à Molène qui était plus près. Dans les premiers temps, ils revenaient parfois à Ouessant ou, encore, ils poussaient jusqu’au continent. Mais ces voyages étaient longs et compliqués. Ils y renoncèrent. Très vite, ils s’étaient faits à leur réclusion, au point de passer quelquefois un an sans revoir la terre. Pour le baptême de leur troisième bébé, Kergrésan, profitant d’une occasion, alla seul au Conquet,