Page:Say - Œuvres diverses.djvu/261

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moyens compatibles avec le bon ordre ; qui voit par le bon côté les institutions existantes ; et qui pense que le plus sûr moyen de leur concilier l’opinion publique, est de les faire servir à la prospérité générale.

Les derniers progrès de l’économie politique ont été très-favorables au développement de cet utile patriotisme. La découverte des véritables sources des richesses, en montrant qu’on les trouve dans la culture de ses terres, dans l’emploi de ses capitaux, dans l’activité de son industrie, plus sûrement et plus abondamment que dans les dépouilles de l’ennemi, a détruit le fondement des jalousies nationales, et ce système de déprédations, héritage sanglant des nations de l’antiquité, que nous a trop fidèlement transmis la barbarie du moyen âge. On commence à s’apercevoir que la plus mauvaise paix est plus profitable que la guerre la plus glorieuse ; et à mesure que les gouvernements représentatifs prendront plus de consistance, la tendance aux communications pacifiques deviendra plus générale et plus décidée, parce qu’elle est dans l’intérêt des nations. Quel congrès, fût-ce celui de l’abbé de Saint Pierre, pourrait offrir de plus solides bases ?

J’en reviens au patriotisme des Français tel qu’il se manifeste à nos yeux. Je vois que tout ce qui présente des avantages sociaux évidents réveille le zèle de toutes les classes de la société. Les talents s’empressent de fournir des vues ; les grandes fortunes avancent des fonds ; l’Administration prête son appui et accorde de bonne grâce tous les encouragements qui dépendent d’elle. Les écoles pour l’instruction première se multiplient partout. Le plus beau pont de l’Europe se construit à Bordeaux, comme pour servir de couronnement au plus beau port de la France. De nouveaux bassins vont faire du Havre, de cette ville qui dans le dernier siècle n’était qu’une retraite de pêcheurs, un port de mer du premier ordre, le port de mer de Paris. Nulle part l’argent ne manque pour des entreprises utiles, du moment qu’on croit pouvoir les conduire avec sécurité.

Dans de telles circonstances, trouverait-on superflues quelques notions qui peuvent tendre à donner une bonne direction à de si louables efforts, et qui par conséquent doivent en assurer le succès ? Le zèle et le courage, éléments si nécessaires de toute espèce de succès, ne sont pas les seuls ; les travaux d’art les plus parfaits pourraient eux-mêmes ne donner aucun résultat, ou ne produire que de somptueuses inutilités. Il est encore d’autres données qui doivent entrer dans de bons calculs, et c’est à l’économie politique à les fournir.