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93 ASSURANCE

nouvelles que la statistique n’aura pas me- surées. Son expérience personnelle et sa cir- conspection pourront seules suppléer à cette insuffisance. Supposons cependant une statistique bien dressée et tenue aussi près que possible de la réalité par une supputation exacte et journalière des circonstances générales, quel emploi fera-t-on dés données qu’elle fournit  ? Les tables fournissant la proportion de sinistres à prévoir à un nombre donné de valeurs engagées, la probabilité réelle de chaque valeur pourra être déterminée ; mais, comme toute moyenne, elle s’écartera toujours dans un sens ou dans l’autre des résultats réels. Chaque valeur assurée apporte en effet, ainsi que nous l’avons vu, son: contingent spécial de chances favorables ou défavorables, sa probabilité spéciale, en un mot, qu’il sera dès lors nécessaire d’évaluer individuellement en la rapportant à la probabilité moyenne prise pour unité. La pratique ne permet cette adaptation que dans une mesure insuffisante, mais l’autorité du principe général émis plus haut n’en subsistepas moins. III. THÉORIE DES OPÉRATIONS D’ASSU-

L’assurance suppose pourchaque opération

individuelle une valeur assurée, un risque, le prix de l’assurance, la garantie qui couvre la valeur assurée, enfin l’indemnité de compensation au cas de réalisation du risque prévu. Il est nécessaire d’étudier successivement le caractère et le rôle de chacun de ces éléments.

L’assurance ayant pour but la réparation

pécuniaire d’un dommage éventuel, la matière de l’assurance peut être aussi diverse qu’il y a de façons différentes de subir une perte ou un dommage, à la double condition que la perte soit soumise à une chance quelconque et que le préjudice éprouvé soit appréciable en argent.- Par suite, toute valeur susceptible de destruction ou de diminution peut théoriquement faire l’objet d’une assurance. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que cettevaleursoitfixe danssaquantité oumême qu’elle existe dans sa réalité au moment de la stipulation ; rien dans la nature de l’assurance ne s’oppose à ce que la garantie couvre une valeur variable, ou encore non existante. ou même éventuelle. Enfin, l’assurance peut porter sur la totalité ou sur une portion seulement de la valeur mise en risque. Tout cela, répétons-le, théoriquement. Mais en réalité, l’assurance n’est pratiquée que pour certai-

RANCE.

5. Division du sujet.

6. La chose assurée.

nes catégories très limitées de valeurs ; toutefois, cette institution qui s’est tardivement organisée est loin d’avoir pris tous les déve loppements qu’elle est appelée à recevoir ; il appartient à l’économie politique de rechercher les accroissements qu’elle comporte. Aux yeux de la science, la possibilité ou l’impossibilité pratique d’assurer une valeur quelconque proviennent non de la nature de cette valeur, mais des caractères que présente le risque auquel elle est soumise (voir § 7). Il serait donc superflu de s’attarder à rechercher, dans l’infinie variété des valeurs, celles qui sont susceptibles de se prêter aux combinaisons de l’assurance il suffira, pour l’exposé théorique que nous faisons ici, de les classer par groupes de la façon suivante: 1° les capitaux incorporés dans des objets réels non seulement susceptibles d’usure, de dégradations, de dépérissement ou de destructions, mais encore sujets à perdre temporairement ou définitivement leur faculté productive ; 2° les actions, droits et créances actives que l’on peut avoir sur autrui, sujets au risque de non remboursement ; 3° les créances passives, dettes, garanties, les actions dont on peut être passible, les conséquences pécuniaires des responsabilités que l’on peut encourir ; 4° enfin l’homme le premier et le plus productif des capitaux, sujet à tant de risques dans sa personne, sa santé et sa vie.

L’énumération qui précède devant recevoir les éclaircissements nécessaires dans l’étude spéciale que nous ferons des applications de l’assurance (V. POLICES d’assurance), nous nousbornerons ici à de courtes observations sur un point offrant un intérêt scientifique particulier et relatif à la possibilité de couvrir par l’assurance le risque de disparition de la productivité des capitaux.

Cette possibilité a été contestée en vertu du principe juridique d’après lequel l’as- surance ne doit jamais devenir une cause de profit pour l’assuré. En réalité, la proscription du lucre ne ferait pas obstacle à la garantie dont nous parlons. Dans toute entreprise de production, la disparition du produit n’emporte pas seulement le bénéfice du producteur, mais encore les valeurs consommées pour arriver à la production matières premières, rémunération du travail et du capitàl engagé, frais généraux, en unmot toutes les avances diverses’ dont l’ensemble constitue le prix de revient. La garantie du produit couvrirait donc bien réellement une perte et l’assurance serait bien un contrat d’indemnité pour toute la part du produit composée des éléments. énumérés.


ASSURANCE