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DU COMMERCE 115 BALANCE DU COMMERCE Un second exemple fera mieux comprendre tités négligeables. Mais avec la facilité et le

Un second exemple fera mieux comprendre notre pensée. Supposons un navire partant du Havre avec une cargaison pour le Brésil. Au départ, la cargaison de ce navire est évaluée à 200 000 francs, et c’est là sa valeur réelle au port d’expédition. La douane, en admettant que ses évaluations soient exactes, porte donc sur ses registres, à la colonne des exportations, une somme de 200,000 francs. Jusquelà, rien de mieux. Mais cette même cargaison vaudra naturellement davantage à Rio-Janeiro, car le prix de vente doit payer le fret, l’assurance, la commission, le courtage, les frais de chargement, de déchargement et le reste, c’est-à-dire les bénéfices. On peut admettre qu’élle s’y vendra 240,000 ou 250,000 fr. Le prix de vente réalisé, on prélève d’abord sur le montant de quoi acquitter les dépenses faites sur les lieux, et on convertit le reste en café par exemple. Ainsi se forme, pour le retour du navire, une nouvelle cargaison d’une valeur plus forte que celle qu’il avait au départ et c’est là un point essentiel sans qu’il y ait eu de la part de la métropole aucun débours à faire en or ou en argent.

Ce n’est pas tout. Le café, acheté 250 000 fr. au Brésil, vaudra davantage en France, puisqu’il y aura de nouveau un fret et d’autres dépenses accessoires à supporter. Rien n’empêche d’admettre et ce sont là des chiffres très, même trop modérés qu’il s’y vendra 270000 ou 290,000 francs. Ainsi, cette cargaison, qui ne valait au départ que 200,000 fr., revient, sous une autre forme, portée par des accroissements successifs à une valeur de 290,000 francs, et toujours sans qu’il y ait eu ni émission nouvelle de monnaie entre les deux pays ni dette contractée pour l’avenir. C’est un simple échange de marchandises, rien de plus. Qu’arrivera-t-il cependant  ? La douane, relevant exactement les chiffres des valeurs échangées, après avoir, au départ du navire, porté 200 000 francs à la colonne des importations inscrira 290,000 francs aux exportations. De là les partisans du système mercantile concluront que cette opération se résout en une balance défavorable à la métropole et qu’il reste à celle-ci 90,000 francs à payer en numéraire.

3. Valeurs qui échappent au contrôle de la

A l’époque où prédominait la théorie de la balance du commerce, le nombre des voyageurs internationaux était relativement restreint. Les achats que faisaient ces voyageurs dans les pays qu’ils traversaient et l’argent qu’ils dépensaient durant leur séjour pouvaient, à la rigueur, passer pour des quan-

douane.

tités négligeables. Mais avec la facilité et le confortable des moyens de transports internationaux, le nombre des touristes a plus que centuplé depuis un demi-siècle. Non seulement cette armée de voyageurs laisse, pour solder ses frais de séjour, une très grosse quantité de numéraire qui s’élèvera parfois à des centaines de millions, quantité qui échappe aux évaluations administratives, mais elle emporte avec elle soit ostensiblement, soit en contrebande, une foule d’objets bijoux, articles de mode ou de fantaisie, vêtements, armes, etc., dont le montant représente encore annuellement quelques dizaines de millions qui ne figurent pas plus sur les registres de la douane que les lettres de change et les chèques qui, convertis en or ou en argent pour payer ces achats, ne figurent sur les tableaux d’importation ou d’exportation des métaux précieux.

4. Fausses idées en matière de numéraire.—Exemple de la France après 1870.

Il y a encore dans les évaluations de la douane une cause d’erreur dont les partisans du système mercantile n’ont jamais tenu compte. Nous voulons parler du mouvement de richesse créé à la Bourse par les valeurs étrangères qui n’y ont été admises que depuis la Restauration. Une grande quantité de capitaux français se sont portés sur les fonds d’Etat et sur des entreprises étrangères. On estime à 18 milliards le capital ainsi placé et à 7 ou 800 millions les intérêts annuels qu’il produit. En Angleterre, les créances sur les autres nations s’élèvent en arrérages à 1 500 millions par an. Ce fait seul suffirait à prouver, à défaut d’autres causes, qu’un pays prospère peut importer plus qu’il n’exporte, s’il reçoit sous forme de marchandises le payement des intérêts de ses capitaux placés à l’étranger. Cela est si vrai que les pays les plus riches du monde, tels que la Grande-Bretagne et la France, voient régulièrement le chiffre de leurs importations dépasser de beaucoup le chiffre de leurs exportations, tandis que le phénomène inverse se produit pour les pays pauvres, l’Espagne et certaines contrées de l’Afrique occidentale et de l’Amérique du Sud. Ainsi, de 1867 à 1881, les importations à destination d’Angleterre ont dépassé de 32 milliards les exportations de l’Angleterre pour les divers pays du globe. S’ensuit-il que pendant ces quinze années la richesse de nos voisins d’outre-Manche ait diminué de 32 milliards  ?

Mais en admettant qu’une nation ait à recevoir ou à payer un solde en numéraire, quelles raisons y a-t-il de considérer ce solde


BALANCE