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prenait le portefeuille des finances pour la cinquième fois.

Au milieu des embarras du Trésor, son intelligence des ressources de trésorerie lui permit de parer aux difficultés du présent : un emprunt de 80 millions, hypothéqué sur les forêts de l’État, une augmentation des contributions directes effectuée parallèlement à l’émission de l’emprunt firent face aux nécessités de l’avenir.

Quand, vingt-cinq mois plus tard (il octobre 1832), il quitta le ministère pour céder la place à M. Humann, les finances étaient dans un état si rassurant que, dès l’année suivante, le gouvernement pouvait commencer la série des grands travaux publics qui ont marqué la deuxième partie de la monarchie de Juillet,

Ce fut à la Chambre des pairs que le baron Louis termina sa carrière politique. Les doctrines économiques et financières qui ont inspiré son œuvre ressortent de l’exposé même de cette œuvre ; elles sont aussi exprimées avec concision et netteté dans ses discours et les exposés de motifs des lois dont il a été le promoteur, ainsi que dans des notes de peu d’étendue, où il a consigné ses réflexions.

Le baron Louis a compris les vrais principes financiers du gouvernement parlementaire ; il a beaucoup fait pour leur mise en œuvre en France et a largement contribué à poser les bases de la législation budgétaire actuelle.

En matière d’impôts, admirateur d’Adam Smith, il adopte les théories du grand économiste anglais ; il veut que l’impôt soit certain, commode, exempt de fraude et d’arbitraire, il veut qu’il soit perçu en proportion des facultés de chacun. Il veut enfin, comme nous l’avons vu, que l’impôt soit ancien. Libre-échangiste en théorie, il est un adepte de cette économie politique pratique qui sait concilier l’intérêt du consommateur et celui du producteur ; il admet la protection quand son absence menacerait des industries viables. Mais c’est en ce qui concerne le crédit public que l’œuvre et les doctrines du baron Louis sont le plus remarquables. Dans toute sa carrière, il a eu pour première règle de conduite une probité financière rigoureuse et le respect absolu des engagements du Trésor, à une époque où la validité des engagements des gouvernements précédents était contestée. Ace titre, il peut être considéré comme le fondateur du crédit public en France. Ses doctrines sur le crédit sont en harmonie avec son œuvre. Selon lui, les facultés disponibles d’un État, qui résultent tout d’abord de ses revenus ordinaires, sont accrues de toute la différence qui existe entre les sommes que peuvent lui procurer ses emprunts et le produit de l’impôt nécessaire pour en acquitter les intérêts. Le crédit est nécessaire pour exécuter rapidement des travaux publics utiles ou pour soutenir une guerre. Mais le crédit d’un État repose uniquement sur les moyens et la volonté qu’il a de faire face à ses engagements. D’où la nécessité du respect des engagements pris par le Trésor. Une créance de cent francs sur un gouvernement exact à tenir ses engagements doit valoir mieux que celle de deux cents francs sur un autre connu pour ne pas remplir les siens avec le même scrupule. Aussi le cours des fonds publics d’un État est-il le critérium de la force et de la considération dont il jouit. C’est lui qui règle les conditions de ses marchés. La mauvaise foi d’un gouvernement se traduisant par des banqueroutes plus ou moins déguisées, détruit le crédit, augmente les dépenses, parce que tous ceux qui donneront à l’État leurs capitaux ou leurs services traiteront à des conditions plus onéreuses ; elle éloigne les capitaux et amène une hausse générale dans le taux de l’intérêt, hausse fatale à l’industrie, au commerce, enfin à l’État lui-même, parce que la matière imposable sera diminuée parle ralentissement de la production et la perturbation jetée dans les affaires comme par la perte subie par les créanciers de l’État. Le baron Louis va plus loin et ne se contente pas de mettre en lumière la nécessité du crédit et de la fidélité aux engagements du Trésor, sur lequel il est fondé. Il fait aussi l’apologie de l’emprunt comparé à l’impôt. Mais s’il s’attache à marquer tous les avantages de l’emprunt et tous les inconvénients de l’impôt, il réserve l’emprunt pour les besoins extraordinaires et urgents. Le baron Louis insiste aussi sur l’utilité d’un amortissement de la dette publique, et, selon lui, une imposition quelconque de la rente serait une violation des engagements contractés. Une politique loyale est donc la sauvegarde du crédit, elle influe sur les finances du pays et sur son état économique. Mais ce qui est d’une politique loyale est vrai d’une façon générale, en ce qui concerne 1" ensemble de la politique d’un gouverne ment. Il y a corrélation entre la politique et les finances ; et l’état des finances dépend de la politique suivie. « Faites-moi de bonne politique et je vous ferai de bonnes finances.» Telles sont, résumées dans leurs lignes générales, l’œuvre du baron Louis et les doctrines économiques et financières qui Font inspirée.

Victor Marcé.