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d’État ; toutes les grandes entreprises, chemins de fer, canaux, assurances, banques, houillères, gaz, électricité, etc., sont toutes plus ou moins tributaires du marché des valeurs mobilières et partant plus ou moins tributaires du marché à terme.

. Objections contre les marchés à terme. Certains marchés à terme sont toutefois l’objet d’assez vives critiques. Ce sont les marchés à terme se résolvant par une opération dans le sens inverse à l’opération originaire, autrement dit aboutissant au payement d’une différence, des ventes à découvert, les marchés à prime.

Opérations aboutissant au payement d’une différence. — Ces opérations ne sontpas nécessairement des opérations de jeu (que nous examinerons et jugerons plus loin) ; elles sont loin d’être inutiles au progrès économique et nous en empruntons la démonstration au rapport déposé par M. Alfred Naquet, au nom de la commission parlementaire chargée d’examiner le projet de loi dont est issue la loi du 8 avril 1885.

« Il suffit, dit le rapporteur, de remarquer que, à la Bourse et dans le commerce, Tétat initial et l’état final de toute transaction constituent un marché sérieux. Si ces deux opérations sont reliées par une série d’opérations intermédiaires, comme les deux anneaux extrêmes d’une chaîne sont reliés par les chaînons qui sont entre eux, cela est indifférent et ne saurait ni transformer le marché ni en modifier la nature et le caractère. « A... a donné à un agent de change Tordre de lui acheter 10 000 francs de rente. L’agent achète ; il pourra être obligé de livrer à la fin du mois ou même avant s’il entre dans les intentions de son client de recourir à l’escompte : marché sérieux. Le lendemain A..., donne Tordre de revendre les 10 000 francs de rente qu’il a achetés. Le marché change-t-il pour cela de caractère ? Nullement ! B... achète, se substitue à A... dans toutes ses charges ; la personne qui doit exécuter les clauses du contrat n’est plus la même ; mais, dans son essence, le contrat est resté ce qu’il était. 11 en est encore ainsi si B... revend à C... si C... revend à D..., et ainsi de suite, pourvu qu’en lin de compte, et la liquidation arrivée, il y ait livraison de titres contre espèces, et c’est ce qui a toujours lieu par T effet de la liquida- ■ dation centrale. Ajoutons que ce qui est vrai de l’acheteur primitif et de ceux qui se sont successivement substitués à lui, Test également du vendeur, qui lui aussi, a pu repasser sa position à d’autres sans que la nature du contrat ait été altérée.

«Et maintenantles chaînons intermédiaires dont nous n’avons pas à tenir compte pour établir la vraie nature du contrat, ont-ils joué un rôle nécessaire ?

« ïl suffit d’examiner même superficiellement la question pour s’assurer qu’ils ont joué un rôle nécessaire ; ils ont contribué, dans la mesure de beaucoup la plus large, à cette répartition des risques qui est la condition essentielle du progrès économique. » Ventes à découvert. — Les ventes à découvert ont été longtemps considérées comme des manœuvres dangereuses pour le crédit public et privé ; les lois, comme nous le verrons tout àTheure, ont été longtemps sévères a leur égard, et la faculté accordée à Tacheteur sur le marché des valeurs mobilières d’exiger les titres avant l’échéance du terme est un vestige des mesures prises jadis contre le vendeur.

Napoléon, alors qu’il était premier consul, eut un entretien sur la question des marchés à terme avec le comte Molien, que ce dernier relate en ses Mémoires. « Je demande, disait le premier consul, en parlant du vendeur à découvert, s’il n’annonce pas que personnellement il n’a pas confiance dans le gouvernement et si le gouvernement ne doit pas regarder comme son ennemi celui. qui se déclare tel lui-même. » A quoi son contradicteur répondait que la cause de baisse était dans l’événement qui la produit. L’on peut ajouter que la nécessité dans laquelle se trouve le vendeur à découvert de racheter est une cause de hausse qui soutiendra le marché si un événement malheureux arrive et que, dans cette théorie, l’acheteur spéculateur à la hausse qui doit logiquement être considéré comme Yami du gouvernement pourra tout aussi bien être considéré comme un ennemi lorsqu’il revendra.

Si Ton supprime la faculté de vendre à découvert, on supprime une cause d’achat ; si on supprime une cause d’achat, on paralyse les acheteurs qui comptent sur cette cause alimentant le marché et les mettant à même de revendre ; on retire au marché à terme Télément spéculation qui lui est indispensable, ce que nous avons vu lorsque nous avons apprécié la spéculation opérant sur différences, toutes réserves gardées, d’ailleurs, contre les excès -de spéculation (voy. ce mot.)

Marché àprime. — Quant au marché à prime, le marché par lequel un contractant se réserve d’y renoncer moyennant une indemnité, il peut avoir, comme les marchés se résolvant par des différences, comme la vente à découvert, l’inconvénient de favoriser le jeu, mais, théoriquement et pratiquement, il cor-