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Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/332

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son dos. Si l’on continue ainsi, il ne sera plus question désormais d’être, mais de paraître. Qui plus reluira sera de meilleur or. Mais gare de la touche ! » Cet abandon des terres par les grands est pour les travailleurs une cause de chômage et d’indigence. « Be là vient que la plupart de nos hommes sont contraints d’aller chercher ailleurs lieu d’emploi et de travail, qui en Espagne, qui en Angleterre, qui en Allemagne, qui en Flandre. Combien d’autres au reste rôdent parmi nous valides, robustes de corps, en pleine fleur d’âge et de santé, vagants nuit et jour, de-çà, de-là, sans profession ni demeure aucune déterminée, chacun le voit tous les jours avec étonnement. Les carrefours des villes, les grands chemins en fourmillent, et leur importunité tire hors des mains de la charité ce qu’elle n’avait accoutumé d’octroyer qu’à une vieille, faible et percluse indigence. »

Une idée plus générale consiste à voir dans le travail et dans l’emploi habile de nos facultés la vraie source de la richesse. « De cela s’ensuit que le plus grand trait que l’on puisse pratiquer en l’État, c’est de ne souffrir qu’il en demeure aucune partie oisive et, par conséquent, que c’est un soin aussi utile qu’honorable, de faire polir avec industrie et jugement les facultés naturelles des hommes qui y vivent ; les rendre convenables par ensemble, et profitables à l’entretien et conservation du corps universel, dont ils sont membres animés, y faisant éclater en haut et en bas l’action. »

Il marque en ces termes le rôle de la concurrence : « L’émulation est en toutes choses un grand aiguillon à bien faire. Par elle les hommes peuvent monter à la perfection de tous les arts, Il n’y a pas de plus court moyen pour faire bientôt gagner le haut comble à ceux qui les exercent, que de les commettre en concurrence d’industrie comme en la poudre (l’arène) d’une lutte d’honneur et de prix. Cela les oblige à prendre garde à soi de plus près, à considérer circonspectement tout ce qui peut servir à faciliter leur art, et ordonner mieux leur travail. » On pourrait extraire de nombreux passages où l’intelligence, l’activité, l’industrie, sont mises par Montchrétien au premier rang des conditions qui rendent les sociétés prospères. Il établit entre la contemplation et l’action un parallèle tout en l’honneur de celle-ci et qui marque bien que les idées et les tendances du moyen âge reculent devant les aspirations nouvelles à la vie et au développement des intérêts terrestres sous toutes les formes. Il n’en exclut aucune et, au lieu de les séparer, il les unit. Il compare les divers travaux aux anneaux d’une même chaîne,’ en^ indique la nécessité et le lieu, déclare qu’il n’y a aucun qui soit indigne d’attention. Il pose en principe que le gain ne profite pas seulement à celui qui le fait, mais à la société. Il est partisan des « engins et mécaniques qui soulagent infiniment le labeur des hommes et diminuent les forces de la besogne. Ce qui permet, plutôt que la grande abondance et la diligence des artisans, de nous donner les marchandises à si petit prix. » Un tel aperçu avait du mérite alors. Ici Montchrétien voyait plus juste que Colbert repoussant un inventeur qui lui proposait un moyen expéditif d’accomplir un travail, par ce motif qu’il voulait faire vivre les ouvriers, et non les priver de leur ouvrage par des moyens mécaniques. Ses idées sur la monnaie sont généralement saines. On se la procure en échange d’autres produits. Elle est indispensable aux échanges ; « l’or et l’argent sont les grands ressorts qui font jouer les autres, et à qui tous les autres aboutissent » ; mais « si l’or est plus estimé pour le prix, le fer doit l’être davantage pour l’usage ». Il célèbre la fabrication du fer comme étant la plus importante des industries : enthousiasme de maître de forges, comme nous dirions aujourd’hui, ou d’économiste, toujours est-il que cette apologie est digne de remarque chez un écrivain du xvn e siècle.

On peut dire que, sauf quelques aphorismes, les nombreuses pages consacrées au commerce et à la navigation rentrent dans le domaine de la pratique. C’est un appel patriotique au développement des forces de la science dans ces voies fécondes. Les ressources nationales y sont mises en comparaison avec celles des peuples rivaux. La conclusion qui en ressort est toujours le recours à la protection de l’État. On pourrait d’ailleurs y relever, au milieu de remarques intéressantes, des inexactitudes non seulement de doctrine, mais de faits sur certaines pertes prétendues infligées par l’étranger aux Français.

Henri Baudrillart.

Bibliographie.

Les auteurs qui ont parlé de Montchrétien sont ainsi énumérés à la fin de l’édition du Traité d’économie politique donnée par M. Funek-Brentano :

MALHËaeE, Lettres à Piéresc. Caen, 14 oet. et 2 nov. 1621. Mercure français, t. YII, p. 367 et suiv. SOI et suiv., 162t. la Mémorable exécution des rebelles à Sa Majesté, Ensemble les deffaictes des bandoliers courans la Normandie, 162 1. — Malingre, Histoires tragiques de notre temps, 1635.

— Nicéron, Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres dans la république des lettres, t. XX XII, p. 59, 1735. — Parfait, Histoire du théâtre français, t. IV et VIII, 1747. — Moréri, le Grand Dictionnaire historique, 1757.

— Duc ek la Vallièhb, Bibliothèque du Théâtre-Françai3.