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OFFICES (Vénalité des) —

loi. Ce nouveau principe est fécond en conséquencespratiques : il en résulte notamment que les traités de cession des offices ne sont valables qu’autant qu’ils sont approuvés par le gouvernement et, d’autre part, que le gouvernement peut créer ou supprimer des offices sans être tenu à aucune indemnité envers ceux qui souffrent de ces créations ou de ces suppressions. En un mot, les pouvoirs de l’État sur les offices, que la vénalité de l’ancien régime menaçait de faire disparaître, sont aujourd’hui pleinement sauvegardés : la vénalité établie par la loi du 28 avril 1816 n’y porte aucune atteinte ; elle n’enlève aucun de ses droits à l’État 1 . . Inconvénients de la vénalité actuelle des offices. — Réformes. — Conclusions. La vénalité des offices rétablie par la loi de 1816 avec les caractères que nous venons de préciser fut bientôt l’objet des plus vives critiques. Dès l’année 1831, de nombreux pétitionnaires s’adressaient aux Chambres pour demander la suppression de la vénalité, et les pouvoirs publics semblaient alors disposés à faire droit à ces demandes. « De tous les sacrifices que les malheurs des temps ont forcé de faire en 1816, disait, en effet, le ministre des finances dans la séance de la Chambre des députés du 30 juin 1837, il n’en est pas de plus onéreux, de plus funeste que celui qui, pour un très petit avantage pour le Trésor, a créé la vénalité des charges et amené les conséquences que tout le monde déplore, et le gouvernement plus que qui que ce soit. »

Par malheur, le gouvernement se contenta de déplorer le mal : il ne fit rien ou presque rien pour l’arrêter, et l’on vit alors se produire les mômes abus qui s’étaient déjà produits au beau temps de la vénalité et de l’hérédité des charges sous l’ancien régime. Au début, en 1817, la chancellerie posait en principe qu’elle n’ admettrait pas des prix de cession qui seraient supérieurs au montant du cautionnement de l’officier ministériel qui cédait sa charge.

Quelques années plus tard, elle était obligée de violer elle-même son principe, d’approuver des traités qui stipulaient des prix de cession s’élevant au double, au triple, au quadruple du chiffre du cautionnement : depuis cette époque, le mal est toujours allé . La propriété des offices ministériels n’existe pas en Algérie : tout traité passé par un officier ministériel à. l’effet de transmettre ses fonctions à son successeur, est nul, à peine de destitution (Ordonnances du 26 novembre 1842, art. 17, et du 9 février 1845, art, 2). Dans les autres colonies, au contraire, à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Réunion et à lu Ou vanne, la vénalité a été établie par l’article 9 de la loi du 19 mai IS49.

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en s’aggravant. La valeur des offices ministériels s’est accrue dans des proportions considérables ; dans certaines villes, à Paris, par exemple, elle a presque décuplé. Et tout y a contribué, l’augmentation de la population, la création des valeurs mobilières, la multiplicité des transactions, si bien que certains officiers ministériels ont dû renoncer volontairement à une partie de leurs attributions : les notaires, sauf à Aix et à Marseille, ont abandonné aux huissiers le droit de dresser les protêts que leur conférait l’article 173 du code de commerce ; les agents de change (voy. ce mot) ne pratiquent plus depuis longtemps la négociation des effets de commerce et ils partagent aujourd’hui avec la coulisse la négociation des effets publics. Si l’on ajoute à cela que le nombre des offices est strictement limité par la loi et qu’il y a touj ours plusieurs candidats pour une charge, on comprendra comment des charges d’agent de change qui valaient en 1830 deux ou trois cent mille francs ont atteint ou même dépassé depuis le chiffre de 2 millions : et le même accroissement s’est produit, sinon partout et pour tous les offices ministériels, du moins dans les villes importantes et pour les charges de notaire et d’avoué.

Aussi qu’est-il arrivé ? La chancellerie a voulu résister et à maintes reprises, elle a refusé son approbation à des traités de cession qui stipulaient des prix exagérés par rapport à la valeur des offices cédés. Elle a été aussi impuissante que l’avait été autrefois la royauté lorsqu’elle avait voulu prohiber la vénalité des charges. Les officiers ministériels ont tourné la loi àFaide d’un moyen très simple qui consiste à dissimuler une partie du prix dans des contre-lettres secrètes : et ces contre- lettres, bien qu’illégales au premier chef, sont devenues si fréquentes qu’on peut dire d’un grand nombre d’officiers ministériels ce que Loyseau disait autrefois des magistrats qui juraient n’avoir pas acheté leur charge : « qu’ils entrent ainsi dans leur office, par une violation frauduleuse de la loi, en l’acte de leur ministère le plus célèbre de leur vie ».

Si encore c’était là l’unique inconvénient de la cherté excessive des offices, la conscience des officiers ministériels en souffrirait seule ; le public ne serait pas lésé. Mais les conséquences de la vénalité n’ont guère changé depuis l’ancien régime, et le « pauvre public porte toujours la peine de ces fols marchés ». L’officier ministériel « qui a chèrement acheté sa charge en gros la revend chèrement en détail ». C’est un jeu pour lui que de multiplier les procédures et les frais dans les limites tracées pas la loi ; et la ten-