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OFFICES (Vénalité des) - 415 - OFFICES (Vénalité des) tation est vraiment trop forte que certains n’y succombent pas : ne faut-il pas qu’ils recouvrent les sommes souvent considérables qu’ils ont déboursées et qu’ils puissent faire face aux engagements souvent onéreux qu’ils ont contractés ? Pendant ce temps, les frais augmentent dans des proportions inquiétantes et au point d’absorber parfois la valeur des biens : on est véritablement stupéfait quand on parcourt les statistiques du ministère de la justice et qu’on voit que les moyennes des frais s’élèvent à 31 p. 100 pour les immeubles adjugés de 1000 à 2000 francs, à SOpJOOpour ceux adjugés de SOOàlOOOfrancs et, enfin, à 137 p. 100 pour ceux adjugés au-dessous de 500 francs.

Voilà quels sont les inconvénients de la vénalité des offices. Et encore nous ne parlons pas de ces officiers ministériels peu scrupuleux qui demandent à des opérations hasardeuses les ressources dont ils ont besoin et qui spéculent avec les fonds qui leur sont confiés par leurs clients. Fort heureusement ce n’est là que l’exception : mais cette exception semble devenir de plus en plus fréquente. Avant 1870, le nombre des destitutions prononcées contre des notaires ne dépassait pas la moyenne de 12 ou 13 par année : cette moyenne n’a pas cessé de s’élever, si bien que dans le cours de ces dernières années, en 1887 notamment, il y a eu plus de soixante .notaires destitués.

On est done d’accord pour reconnaître q ne cette organisation des offices ministériels, telle qu’elle existe depuis la loi du 28 avril 1816, appelle des réformes urgentes : on en a proposé de plusieurs sortes.

Les uns voudraient supprimer purement et simplement la vénalité des offices et restituer à l’État le droit absolu de nommer les officiers ministériels au même titre et de la même manière que les autres fonctionnaires publics.

C’est là le système qui est suivi dans certains pays étrangers, en Italie, en Allemagne, pour la’nomination des notaires : et il est certain que le public paie moins cher, tout en étant aussi bien servi qu’en France. « Veut-on saisir cette vérité sur le vif, écrit un publiciste contemporain : il suffit ^ de faire un rapprochement entre les honoraires des notaires en Alsace-Lorraine, tels qu’ils sont fixés par la loi du 26 décembre 1873, et ceux admis de ce côté-ci de la frontière par l’usage, les tarifs des chambres et par la jurisprudence des magistrats taxateurs. Les premiers ne représentent plus que la rémunération des services rendus, puisque la valeur de tous les offices a été remboursée en Alsace-Lorraine au prix de 20 millions ; les seconds comprennent, en outre, l’intérêt du capital créé par la loi de 1816. Aussi, tandis que les premiers seront, par exemple, de 175 francs, de 350 ou de 600 francs pour des ventes ou partages de 30 000 francs, de 100 000 ou de 300000 francs et seront même encore d’un tiers plus faible, s’il s’agit de donations ; les seconds, pour les mêmes actes, seront de 300, de 1000, de 3000 francs 1 ». Tout cela est incontestable et le remède qu’on propose serait aussi efficace qu’il est radical. Mais comment l’appliquer sans se heurter à des difficultés pratiques véritablement insurmontables ?

La propriété des offices est aussi inviolable que tout autre propriété : on ne peut la supprimer que moyennant une juste et préalable indemnité. Et à quelle somme s’élèverait cette indemnité ? Il est impossible de poser à cet égard des chiffres absolument précis. Mais on a calculé, en prenant pour base les évaluations faites en Alsace-Lorraine par la loi de 1873, que la valeur moyenne des seuls offices de notaires était de 4 millions par arrondissement, ce qui ferait un total de près de 2 milliards pour toute la France ; et il faudrait y joindre une somme peut-être encore plus élevée pour racheter les autres offices ministériels, ceux des agents de change, des avoués, des greffiers et des huissiers. Le Trésor public est-il en état de supporter de telles charges, et n’est-ce pas courir à un échec certain que de vouloir supprimer dans de telles conditions la vénalité des offices ministériels ?

Une autre réforme nous paraît, sinon plus efficace, tout au moins plus pratique. Elle consisterait à enlever aux officiers ministériels, non plus la propriété de leurs charges mais simplement le droit de présentation qui leur a été accordé par la loi du 28 avril 1816. Dans ce système, qui a été proposé par M. Berfheau, dans son Élude sur le notariat, les officiers ministériels seraient nommés directement et sans aucune présentation par l’État, à la suite d’examens ou de concours comme l’étaient les notaires sous la Révolution, et ils devraient verser à leur prédécesseur, en entrant en charge, un prix qui serait préalablement déterminé parles chambres de discipline et les tribunaux et en dernier ressort par le garde des sceaux. Cette réforme ne léserait personne et ne donnerait lieu à aucune indemnité à la charge de l’État, puisque les officiers ministériels remplacés toucheraient de leurs successeurs la valeur exacte de leurs offices. Nul ne pourrait se plaindre et le public y trouverait , Cti. Parai entier, les Frais de vente judiciaire et la vénalité des offices.