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PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES — 435 - PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES En Italie la participation a pris un grand développement grâce à M. Luzzatti, dans les banques coopératives populaires.

En Portugal, une loi du 22 mai 1888, qui a supprimé la liberté de la fabrication des tabacs et fait de cette industrie un monopole d’État, a créé au profit des ouvriers des manufactures de tabac des institutions de prévoyance et de retraites, ainsi que la participation aux bénéfices industriels. En Allemagne, la participation a fait son apparition en 1847 dans l’industrie agricole et vingt ans après dans l’industrie manufacturière. Le congrès d’économie sociale tenu à Dantzig en 1872, après l’avoir inscrite à son programme, la raya de son ordre du jour. Malgré une vive opposition on constate en Prusse l’existence de 439 entreprises avec participation aux bénéfices nets et de 61 avec participation au capital. Dans la plupart des cas, cette participation, restreinte en faveur des contremaîtres, employés et chefs d’ateliers, ne s’étend pas aux ouvriers. En Suisse, l’organisation de la participation varie beaucoup en raison de la diversité apportée dans les conditions du travail par la législation, les mœurs, la nature du sol et la race. Dans l’industrie, la participation a souvent réussi bien que les patrons soient assez audacieux dans leurs expériences. Ainsi, la fabrique d’allumettes et de cirages de M. Schoetti à Fehraltorf (canton de Zurich) admet les ouvriers à la participation dès l’âge de dix-huit ans et seulement après un an de travail dans lamaison. Un tiers de l’allocation annuelle est employé à la constitution d’une caisse de secours et de vieillesse ; les deux autres tiers sont répartis entre les intéressés au prorata des salaires gagnés pendant l’exercice. La moitié de chaque part est payée en espèces ; l’autre moitié, inscrite sur un livret individuel, forme un fond d’épargne dont le titulaire n’a la jouissance qu’apTès vingt- cinq ans de services ou l’âge de soixante-cinq ans. Les participants n’exercent aucun contrôle sur les écritures. Le succès de la participation en Suisse tient à des considérations politiques et surtout à la dimension assez restreinte des entreprises. Placé près de ses ouvriers, le patron qui travaille souvent avec eux sait mieux les connaître, les apprécier ; l’ouvrier de son côté comprend mieux l’action du patron sur l’entreprise. De là nait une confiance réciproque qui produit les meilleurs résultats.

Aux États-Unis, la participation dans les entreprises agricoles tend à se répandre rapidement dans plusieurs comtés du Mississipi. ais dans les entreprises industrielles, elle paraît ne réussir que pour les’ petites. Dès qu’une entreprise grandit, ce mode de rémunération en est souvent éliminé. C’est pourquoi on a proposé de créer autant de participations particulières qu’il y a, dans une manufacture, d’ateliers distincts. Dans les entreprises où les ouvriers très nombreux ne se connaissent pas, où ils sont loin de la direction, où une commune pensée ne règne pas, il est en effet difficile d’établir la participation. Pour le système qui consiste à prendre chaque atelier comme une entreprise distincte, des expériences répétées pourront seules indiquer si cette organisation présente quelques chances de succès. Le produit de la participation peut être employé de diverses façons : on peut distribuer en entier le dividende en espèces ; cela a lieu quand on suppose les ouvriers capables de capitaliser eux-mêmes individuellement les sommes qu’ils reçoivent ; parfois, au contraire, ce dividende est entièrement versé dans une caisse de retraite. Dans ce / dernier cas, l’ouvrier se protège lui-même £~ sous la direction de son patron contre les tentations. Mais on applique rarement l’un ou l’autre de ces systèmes absolus. Une part des bénéfices est versée à l’ouvrier en espèces ; l’autre part est employée à des œuvres de prévoyance.

De l’établissement de la participation ne résulte aucun mode spécial de payement des salaires. Suivant les industries, les ouvriers sont rémunérés soit à la journée, soit à l’heure, soit à la tâche. Dans ce dernier cas généralement, il n’est tenu compte à l’ouvrier pour sa part dans les bénéfices que d’une journée de travail au prix ordinaire. L’établissement des comptes et les moyens de contrôle que possèdent les ouvriers pour connaître les gains et les pertes offrent des difficultés telles que beaucoup d’industriels ont été arrêtés dans leurs essais. Parmi les différentes causes qui retardent les progrès de la participation il faut citer : l’insuffisance des profits, le défaut d’une comptabilité régulière, l’inertie des patrons, leur craintes de livrer le secret de leurs affaires et d’en perdre la direction. En outre, c’est l’hostilité des traders unions qui a tué la participation dans les mines de MM, Briggs, et un orateur a déclaré le 8 septembre 1890, à la Bourse du K^ travail de Paris, que la participation « n’était qu’un palliatif ayant un caractère réactionnaire ». Enfin, le défaut d’éducation économique est souvent une cause décisive et majeure d’hésitation. Certaines sociétés coopératives anglaises l’ont compris et ont ouvert dans leur budget un chapitre spécial, appelé YEducational Fund. M. Tourasse a dépensé