Aller au contenu

Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
289
DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

Il y a plus d’incertitude dans l’estimation des sommes historiques après le désastre de l’empire romain, soit à cause de la diversité des monnaies et de leurs fréquentes altérations, soit en raison de l’ignorance où nous sommes de la véritable capacité des mesures des grains. Pour estimer avec approximation une somme sous la première race des rois de France ; pour savoir, par exemple, ce que valaient 400 écus d’or que le pape saint Grégoire sut tirer du royaume de France dès l’année 593, il faudrait savoir ce que 400 écus d’or pouvaient acheter de blé. Mais en supposant que l’on possédât quelque renseignement tolérable sur le prix du blé vers la fin du sixième siècle, son prix ne serait probablement pas établi en écus d’or ; il faudrait donc savoir en même temps le rapport de la monnaie en laquelle l’estimation serait faite avec les écus d’or ; il faudrait savoir la contenance de la mesure de blé dont on nous donnerait le prix, afin de connaître son rapport avec nos mesures de capacité actuelles ; et, malgré tout cela, il serait encore facile de se tromper du double au simple dans toutes ces réductions.

Dupré de Saint-Maur[1] croit que depuis le règne de Philippe-Auguste, c’est-à-dire depuis environ l’an 1200 de l’ère vulgaire, la capacité du setier de Paris est restée à peu près la même ; or, cette quantité de blé approche beaucoup d’un hectolitre et demi. Et prenant 19 fr. pour le prix moyen actuel de l’hectolitre de blé, le prix moyen du setier est 28 francs 50 cent. En conséquence, chaque fois que nous voyons dans l’histoire de France, depuis Philippe-Auguste, que le setier de blé est à un certain prix, nous pouvons traduire ce prix, quel qu’il soit, par 28 francs 50 centimes d’aujourd’hui. Ainsi nous savons qu’en 1514, sous Louis XII, le froment valait, année commune, 26 sous le setier ; 26 sous valaient donc autant que 28 francs 50 centimes à présent ; et quand les historiens portent, pendant le règne de ce prince, le montant des contributions publiques à 7,650,000 livres tournois, nous devons les estimer égales à plus de 167 millions de francs,

  1. Essai sur les Monnaies.