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LIVRE SECOND. — CHAPITRE XI.

villes commerçantes d’Italie ou de chez les Grecs de Constantinople, quelques meubles, quelques étoffes, quelques bijoux de prix, c’était une magnificence grande et rare, réservée seulement aux plus riches seigneurs et aux princes.

Dans cet ordre de choses, les villes devaient faire une pauvre figure. Aussi tout ce qu’on voit de magnifique dans les nôtres est-il très-moderne ; parmi toutes les villes de France, il serait impossible de trouver un beau quartier, une seule belle rue qui eût deux cents ans d’ancienneté. Tout ce qui date d’une époque antérieure n’y présente, sauf quelques églises gothiques, que des bicoques entassées dans des rues tortueuses, étranglées, qui ne suffisent nullement à la circulation des voitures, des animaux et de la foule qui attestent leur population et leur opulence actuelles.

L’agriculture d’un pays ne produit tout ce qu’elle doit produire que lorsque des villes multipliées sont répandues sur toute l’étendue de son territoire. Elles sont nécessaires au déploiement de la plupart des manufactures, et les manufactures sont nécessaires pour procurer des objets d’échange à l’agriculteur. Un canton où l’agriculture n’a point de débouchés, ne nourrit que la moindre partie des habitans qu’il pourrait nourrir ; et encore ces habitans ne jouissent-ils que d’une existence grossière, dépourvue de tout agrément, de toute recherche ; ils ne sont qu’à moitié civilisés. Qu’une colonie industrieuse vienne s’établir dans ce canton, et y forme peu à peu une ville dont les habitans égaleront bientôt en nombre les cultivateurs qui en exploitent les terres, cette ville pourra subsister des produits agricoles du canton, et les cultivateurs s’enrichiront des produits industriels de la ville.

La ville même est un excellent moyen de répandre au loin les valeurs agricoles de sa province. Les produits bruts de l’agriculture sont d’un transport difficile, les frais excédant promptement le prix de la marchandise transportée. Les produits des manufactures sont d’un transport beaucoup moins dispendieux ; leur travail fixe une valeur souvent très-considérable dans une matière de peu de volume et d’un poids léger. Par le moyen des manufactures, les produits bruts d’une province se transforment donc en produits manufacturés d’une bien plus haute valeur, qui voyagent au loin, et envoient en retour les produits que réclament les besoins de la province. Il ne manque à plusieurs de nos provinces de France, maintenant très-misérables, que des villes pour être bien cultivées.

Ces provinces resteraient éternellement misérables et dépeuplées, si