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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

l’on suivait le système des économistes de Quesnay, qui voulaient qu’on fît faire au dehors les objets de fabrique, et qu’on payât les marchandises manufacturées avec les produits bruts de l’agriculture.

Mais si les villes se fondent principalement par des manufactures de toutes les sortes, petites et grandes, les manufactures ne se fondent qu’avec des capitaux productifs ; et des capitaux productifs ne se forment que de ce qu’on épargne sur les consommations stériles. Il ne suffit pas de tracer le plan d’une ville et de lui donner un nom ; il faut, pour qu’elle existe véritablement, la fournir par degrés de talens industriels, d’ustensiles, de matières premières, de tout ce qui est nécessaire pour entretenir les industrieux jusqu’à la parfaite confection et à la vente de leurs produits : autrement, au lieu de fonder une ville, on n’élève qu’une décoration de théâtre, qui ne tarde pas à tomber, parce que rien ne la soutient. C’est ce qui est arrivé d’Écatherinoslaw, dans la Tauride, et ce que fesait pressentir l’empereur Joseph II, lorsque, après avoir été invité à poser en cérémonie la seconde pierre de cette ville, il dit à ceux qui l’entouraient : J’ai fini une grande affaire en un jour avec l’impératrice de Russie : elle a posé la première pierre d’une ville, et moi la dernière.

Des capitaux ne suffisent même pas pour établir une grande industrie et l’active production qui sont nécessaires pour former et agrandir une ville ; il faut encore une localité et des institutions nationales qui favorisent cet accroissement. Les circonstances locales sont peut-être ce qui manque à la cité de Washington pour devenir une grande capitale, car ses progrès sont bien lents en comparaison de ceux que font les États-Unis en général ; tandis que la seule situation de Palmyre, autrefois, l’avait rendue populeuse et riche, malgré les déserts de sable dont elle est entourée, et seulement parce qu’elle était devenue l’entrepôt du commerce de l’orient avec l’Europe. La même raison avait fait la prospérité d’Alexandrie, et plus anciennement encore de la Thèbes d’Égypte. La seule volonté de ses princes n’aurait pas suffi pour en faire une ville à cent portes, et aussi populeuse que nous la représente Hérodote. Il faut chercher dans sa position entre la mer Rouge et le Nil, entre l’Inde et l’Europe, l’explication de son importance.

Si la seule volonté ne suffit pas pour créer une ville, il semble qu’elle ne suffise pas non plus pour en borner les accroissemens. Paris s’est constamment accru, malgré les réglemens faits par l’ancien gouvernement de France pour y mettre des bornes. Les seules bornes respectées sont celles que la nature des choses met à l’agrandissement des villes, et