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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE VII.

celles que j’ai désignées ; j’ai seulement voulu montrer quel est l’enseignement que l’intérêt bien entendu d’une nation lui conseille de payer. Du reste, toute instruction fondée sur des faits constatés, toute instruction où l’on n’enseigne point des opinions comme des vérités, toute instruction qui orne l’esprit et forme le goût, étant bonne en elle-même, tout établissement qui la propage est bon aussi. Il faut seulement éviter, lorsqu’il encourage d’un côté, qu’il ne décourage de l’autre. C’est l’inconvénient qui suit presque toutes les primes données par l’autorité : un maître, une institution privée, ne recevront pas un salaire convenable dans un pays où l’on pourra trouver gratuitement des maîtres et un enseignement pareils, fussent-ils plus médiocres. Le mieux sera sacrifié au pire ; et les efforts privés, sources de tant d’avantages en économie publique, seront étouffés.

La seule étude importante qui ne me paraisse pas pouvoir être l’objet d’un enseignement public, est l’étude de la morale. La morale est ou expérimentale ou dogmatique. La première consiste dans la connaissance de la nature des choses morales et de la manière dont s’enchaînent les faits qui dépendent de la volonté de l’homme : elle fait partie de l’étude de l’homme. La meilleure école pour l’apprendre, c’est le monde. La morale dogmatique, celle qui se compose de préceptes, n’influe presqu’en rien sur la conduite des hommes. Leur bonne conduite dans leurs relations privées et publiques, ne saurait être le fruit que d’une bonne législation, d’une bonne éducation et d’un bon exemple[1].

Le seul et véritable encouragement à la vertu, est l’intérêt qu’ont tous les hommes de ne rechercher, de n’employer que ceux qui se conduisent bien. Les hommes les plus indépendans par leur position ont encore besoin, pour être heureux, de l’estime et de la considération qu’accordent les autres hommes ; il faut donc qu’ils paraissent estimables à leurs yeux, et le moyen le plus simple pour paraître tel, c’est de l’être. Le gouvernement exerce une grande influence sur les mœurs, parce qu’il emploie beaucoup de monde ; son influence est moins favorable que celle des

  1. J’en dirais volontiers autant de la logique. Qu’on n’enseigne rien qui ne soit conforme au bon sens et à la vérité, et la logique s’apprendra toute seule. Jamais un maître ne fera bien raisonner un élève qui n’aurait pas de justes idées des choses ; et s’il en a de justes idées, il n’a pas besoin de maître pour bien raisonner. Quand on veut se former des idées justes de chaque chose, il faut l’examiner avec attention, chercher à n’y voir que ce qui s’y trouve et tout ce qui s’y trouve : c’est l’objet de chaque science, et non pas de la logique.