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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

détruit la base sur laquelle il porte ; il la détruit, soit qu’il soit assis sur des objets de nécessité, ou bien sur des objets de luxe : avec cette seule différence, que sur ces derniers il supprime, avec une portion de la matière imposable, la jouissance qui pouvait résulter de sa consommation ; et qu’assis sur des objets indispensables, il supprime le contribuable en même temps que la consommation.

Par une raison contraire, une diminution d’impôt, en multipliant les jouissances du public, augmente les recettes du fisc et fait voir aux gouvernemens ce qu’ils gagnent à être modérés.

Lorsque Turgot, en 1775, réduisit à moitié les droits d’entrée et de halle sur la marée qui se débitait à Paris, le montant total de ces droits resta le même. Il fallut donc que la consommation de cette denrée eût doublé ; les pêcheurs et ceux qui font le commerce de la marée doublèrent donc leurs affaires et leurs profits ; et comme la population s’accroît à la suite de la production, le nombre des consommateurs dut s’augmenter ; le nombre des producteurs dut augmenter aussi ; car l’augmentation des profits, c’est-à-dire, des revenus, facilite les accumulations, et par conséquent l’augmentation des capitaux et des familles ; il est hors de doute que le montant de plusieurs autres contributions s’améliora par suite de l’accroissement de la production, et le gouvernement se fit honneur en allégeant le fardeau des impôts.

Les agens du gouvernement, régisseurs ou fermiers des droits, forts de l’ascendant que l’autorité leur prête, parviennent trop souvent à faire décider en leur faveur les obscurités des lois fiscales, ou même à créer des obscurités pour en profiter ; ce qui équivaut à une extension de l’impôt[1]. Le même ministre adopta une marche opposée : il décida tous les

  1. On en trouve un exemple criant dans un écrit de M. C. Saint-Paul, intitulé. Diverses idées sur la législation et l’administration. La succession d’un des principaux banquiers de Paris s’ouvrit en 1817, et la régie des domaines perçut le droit de succession sur l’actif de ses comptes courans, sans faire déduction du passif de ces mêmes comptes. Cette régie s’autorisa d’une loi fiscale qui fait porter le droit de succession sur la masse brute d’un héritage, sans égard aux dettes et aux charges qui le grèvent. La crainte de quelques dettes supposées par le défunt, dans le but d’épargner quelques droits à ses héritiers, n’autorise pas à percevoir ce qui n’est pas dû.

    La même administration a soin de n’avertir les héritiers des paiemens qu’ils ont à faire, qu’après que l’époque est passée où ces paiemens doivent être effectués, de manière à leur faire encourir l’amende. Cette âpre avidité de nos lois fiscales et des agens du fisc, avait été détruite par la révolution ; elle a été rétablie et augmentée sous le gouvernement impérial, et conservée depuis. Un employé n’obtient d’avancement qu’en sacrifiant constamment le public à l’intérêt du fisc.