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HEGEf.


I(! mnndo oxt(^riour l’iitro du mémo coup au sorvico (lu vouloir, constiluiî la satisliiclion lie uos besoins, ou (nnail.

Tout homme est de la sorte une volonté IxMisantc qui travaille dans les objets sen- sibles. Et dans la moindre manifeslalion de volonté se reconnaît la loi dialectique de toute existence. Mais cette faculté par la- iiuclle les hommes s’assimilent les choses, n’est pas égale en tous  : il y a des volontés fortes et des volontés faibles. C’est jjouniuoi la première relation entre les hommes est un rapport d’inégalité absolue  : un rai)port de maître à esclave.

Il appartient à la philosophie de l’his- toire de montrer comment l’esclavage, qui est d’abord général et qui s’exprime i)ar la soumission aveugle de tous à un seul dans le despotisme oriental, se transforme, par divers intermédiaires, en l’émancipation de tous chez les peuples occidentaux. La théorie du droit doit seulement déduire les autres rapports possibles et nécessaires qui résultent du rapport primitif.

l^e maître est celui dont la volonté se tra- duit par la prise de possession complète d’un objet extérieur. L’esclave est celui qui ne possède pas, qui n’a pas de vouloir à mani- fester et qui veut, de gré ou de force, ce que veut le maître. Mais entre gens qui possèdent, un autre rapport intervient. La personnalité juridique consiste à posséder. Le premier rapporteutre personnes juridiques estl’iden- lilication de leurs volontés en ce qui louche leurs possessions  : c’est ce qu’on appelle un contrat.

On ne peut conclure de contrat qu’à pro- pos de choses, et non de personnes. Cela ressort de la définition même de la personne juridique. Mais le contrat n’est encore (ju’une forme provisoire du rapport entre les personnes. La preuve, c’est qu’il n’enferme jias en lui-même la garantie de sa durée. Il se peut qu’une des personnes juridiques veuille ressaisir son vouloir. Il se peut qu’elle le veuille faire d’une manière contraire à la volonté commune, en substituant, par le fait ou par l’interprétation, des termes nou- veaux aux termes stipulés. Il arrive enfin qu’une personne lèse une autre personne dans son existence. Cette méconnaissance de la personnalité juridique s’appelle crime. Le crime commis, la négation de la per- sonnalité juridicfue par un vouloir hostile, appelle la destruction de ce vouloir hos- tile lui-même, ou vengeance. Mais la ven- geance, primitivementdirecte et individuelle, se continuerait à l’infini, si elle demeurait aux nu\ins de l’intéressé. Il faut donc la re- mettre en des maius impartiales, et elle s’ap-


julle alors chiilimod. .Mais il reste à se demander (jui a le droit de ch.Uier.

Toute contrainte i)hysique faite à un homme rétablit le rapport primitif de maître a esclave. Le chàtimcmt, i)(jur n’être pas une simple vengeance, ne saurait donc être (.-xercé par une personne juridi(jue sur une per- sonne juridique égale. Mais il existe un autre rapport entre i)ersonnes, plus vrai, c’est-à- dire les unissant plus intimement d’un li( ;n unique et qui rétablit à la fois entre elles la diiïérence la plus grande qui puisse se pro- duire, la dillereuce entre l’autorité souveraine et la soumission stricte. Ce rapport nouveau est la vie de famille.

La famillcest une unilé absolue de volonté entre plusieurs personnes. C’est pourquoi les biens matériels sont communs à toute la famille. Et cette union complète du vouloir et du sentiment place pour la famille le lien du mariage au-dessus de tous les contrats. Car il est faux, selon Hegel, que le mariage soit un contrat. Le chef de famille est investi de toute autorité, y compris, à l’origine, l’auto- rité judiciaire  ; et toute autorité vient de la. La famille est le germe de toute société. Etla seule raison d’être d’une autorité sociale est de remplacer la famille, quand le lien fami- lial est dissous.

Dans toute agglomération de familles qui ne sont pas elles-mêmes consanguines et dirigées par un même patriarche, le lien familial se dissout quand les enfants sont adultes. Ils deviennent des personnes juri- diques à leur tour, et sont égaux désormais et non plus soumis aux parents. L’ensemble de tous les individus adultes constitue la société civile. Et de ce que dans la société les individus ne forment plus une personne unique, comme dans la famille, il résulte qu’ils ont aussi des biens séparés, des inté- rêts diiïérents, des besoins contradictoires. Au premier abord l’aspect de la société civile est donc très confus  ; elle semble livrée au hasard des compétitions individuelles. La vérité est ici, comme toujours, de montrer que la diversité même des individus les soli- darise. Cette recherche des besoins généraux fait l’objet d’une science admirable, qui est l’Économie politique. Hegel en a emprunté la notion à James Steuart, à Adam Smith, à J.-B. Say et à Uicardo.

•2. Ei’unomie politique. — Cette science s’appelle, dans Hegel, le système des besoins. Elle part en elTet de la notion psychologique du besoin. Nous subissons le besoin. Mais nous lui donnons aussi un caracère intellec- tuel, en le multipliant et en le rendant plus délicat. Le besoin, on l’a vu, se satisfait par un objet extérieur. Le degré de satisfaction


HEGEL