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PLACEMENT


confiât (lo prestation (lu travail, « ciiaqiio fois i[u’un iniliviJii s’enyago envers un autre à lui pnHer ses services en échanf,’e d’une ré- munération, exprimée ou sous-entcnduo, quel que soit, d’ailleurs, le genre de service ([ui en fait l’objet. Ainsi, il y aurait contrat de prestation de travail entre l’avoiat et son client, le médecin et son malade... tout aussi bien qu’entre l’ouvrier et le fabri- cant ou entre le domcsticiue et son maître ». Si autorisée que soit toujours, pour nous, l’opinion de ce maître éminent, nous ne pouvons pas la partager sur ce point. Courcelle-Seneuil a le tort, ici, de confondre dos situations distinctes. Il méconnaît les dinércncos qui existent entre deux caté- gories de contrats. Ces différences ne sont pas seulement d’ordre juridique, elles sont aussi d’ordre économique. Elles n’offrent pas moins d’intérêt pour l’économiste que pour le juriste.

On voit bien le phénomène de placement du travail dans le contrat qui intervient entre le domestique et le maître, entre l’ouvrier et le patron. Ce que le domestique et l’ouvrier- promettent, en échange d’un salaire déter- miné, c’est bien une quantité déterminée de travail, une quantité qui se mesure le plus ordinairement par la durée du travail, de même que le salaire se fixe par rapport à une certaine unité de temps, l’iieure, la journée, le mois ou l’année. Mais quand l’avocat fournit une consultation ou plaide la cause de son client, quand le médecin prescrit un traitement ou fait une opération, il y a pres- tation d’un service et non pas, en vérité, placement de travail. C’est la nature et la qualité du service que l’on considère exclu- sivement et que l’on rémunère. On ne s’oc- cupe eu aucune façon du travail de celui qui le procure. De même, quand nous comman- dons un tableau à un peintre, une statue à un sculpteur, ce n’est pas son travail que nous demandons à l’artiste, ce n’est pas son travail qu’il nous offre et qu’il nous vendra, c’est le tableau ou la statue et le prix de l’objet sera fixé, quelle que puisse être la somme de travail réclamée par son exécution. S’il fallait voir là un contrat de prestation du travail, il faudrait aller plus loin  ; il fau- drait dire que la vente ou l’échange d’un objet matériel quelconque constitue une prestation de travail, parce qu’elle peut se ramener à un service rendu et à un service rendu par un certain travail. Cette conclusion serait certainement excessive. La notion de prestation et de placement du travail est évidemment beaucoup plus restreinte. Elle nous parait se limiter naturel- lement aux cas dans lesquels le travail est.


en lui-ni<’’me et directement, l’objet du con- trat intervenu entre un employeur et un em- ployé ’.

Nous compléterons ces observations sur la nature du placement du travail en indiquant les circonstances diverses dans lesquelles ce phénomène économique peut se réaliser.

A en croire certaines personnes, l’idée du placement du travail se lierait étroitement â celle du chômage. Le chômage serait l’anté- cédent nécessaire du placement, si liien qu’on pourrait définir ce dernier  : le passage de l’ouvrier de l’état de chômage à l’état d’acti- vité.

Que le placement se présente souvent comme succédant au chômage et y mettant fin, c’est absolument incontestable. Mais la moindre réflexion nous montre (juc le pla- cement intervient souvent aussi sans avoir été précédé par le chômage. Cela peut arriver dans deux cas très différents  : 1" quand un employé déjà occupé chez un patron passe au service d’un autre sans solution de continuité  ; 2" quand il s’agit d’enfants ou de jeunes gens entrant au service d’un patron à la sortie de l’école ou du régiment et employés pour la première fois.

Le placement du travail peut avoir lieu soit pour un ouvrier qui reste dans sa pro- fession, soit pour un ouvrier qui entre dans une profession nouvelle. Que le placement coïncide ou non avec un changement de profession, il peut tantôt laisser l’ouvrier dans la localité qu’il habite, tantôt entraîner pour lui un changement de résidence  ; dans ce dernier cas, la résidence nouvelle peut être plus ou moins éloignée de l’ancienne  ; elle peut être située soit dans le pays auquel appartient l’ouvrier, soit dans un pays dif- férent.

Voilà autant de circonstances sur lesquelles il y aurait le plus grand intérêt à faire porter les investigations de la statistique. L’Office du travail n’a pas poussé son ambition jusque- là dans la première enquête à laquelle il s’est livré sur le placement. Sans doute ne le pouvait-il pas. Il est à souhaiter qu’un effort soit fait pour combler cette lacune, quand une nouvelle enquête sera entreprise.

2 . Histoire sommaire du placement.

Le phénomène économique du placement ne peut aller sans la liberté du travail. On ne

1. Y aura-t-il ou non prestation et placement du travail quand l’ouvrier sera r«’munér«  ; à la tâche et non à l’heure ou à la journée ? Le placement du travail cît masqué, ici, par le moJe de rémunération. Mais il suflit duii peu d’a’.tentioD pour reconnaitre qu’il n’en existe pas moins, en réalité, du miiins dans la plupart des cas. Le paiement à la tache ne change rien à la nature du contrat. Il a seulement pour but de récompenser et d’exciter l’ardeur de l’ouvrier.


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