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plus dans le paiement annuel d’une somme d’argent que dans le fait de dépendre d’une exploitation agricole  ; dans la Grande Russie, on se rapprochait davantage du véritable es- clavage tout en étant cependant, grâce aux mœurs, bien éloigné de l’esclavage exercé par exemple sur les noirs en Amérique. La si- tuation des propriétés variait comme celle des personnes. Même dans un pays comme la Bavière, il n’y avait, au temps de la Révolu- tion, que 4 p. 100 des fermes et 6 p. 100 des fa- milles qui fussent entièrement indépendantes. Il y a certaines réformes qui offrent un intérêt particulier parce qu’elles ont profon- dément influé sur le développement de grands pays et sur celui de leurs populations, et aussiparce qu’elles représentent des principes très différents. Ce sont les réformes de la Prusse au commencement du xvni’’ siècle, celles de l’Autriche à la fin du xviii’^etau mi- lieu du xix’’, et celles de la Russie à partir de 1861. En Prusse, les rois Frédéric 1", Guil- laume I", Frédéric II et Frédéric-Guillaume II avaient pris des mesures pour abolir le ser- vage  : ils ne renoncèrent nullement à l’égler la situation du paysan  ; ils conservaient aussi la séparation des classes, et ils exigeaient que le propriétaire abandonnât au gouver- nement une plus grande partie du produit de son travail. Dans ce même pays, la grande réforme rurale n’a été entreprise que depuis l’époque qui s’étend de 1807 à 18H, d’après les conseils des grands fonctionnaires libé- raux qui avaient appris les bons principes, notamment à l’Lniversité de Kunigsberg, sous le philosophe Kant et sous l’économiste Kraus, disciple d’Adam Smith  : citons sur- tout von Schdn, le baron von Schrùtter et von Auerswald. Stein, qui signa les décrets à cette époque, redoutait trop la liberté  : il hésita à donner aux grands propriétaires le droit de disposer librement des terres. Les décrets importants furent plus tard, sous le ministère de Hardenberg, l’œuvre surtout de von Raumer, de Albert Thaër, le grand agro- nome, et de von Scharnweber.

L’ensemble de ces mesures rentrait dans la grande transformation libérale de la Prusse, à cette époque. On s’efforçait d’abolir les trois castes dans lesquelles la population était répartie  : propriétaires de fermes nobles, paysans, bourgeois des villes. Tous acquirent le droit de posséder des terres, qui devenaient libres. Un des principes de l’application de la réforme de 1811 était peut-être d’une valeur douteuse, c’était celui qui consistait à partager les terres paysannes, qui étaient le plus souvent encore distribuées en communautés de village, de telle façon que le grand propriétaire obtint, là où les


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paysans exerçaient un droit héréditaire, un tiers des terres  ; là où ils n’exerçaient qu’un droit de possession temporaire, la moitié des terres. En général, il est préférable d’exiger des paysans un paiement annuel en numé- raire. En réalité, le partage des terres ne se pratiquait guère en dehors du Brandebourg et delà Poméranie.En 1816 et en 1834, on li- mita notamment l’expropriation au profit des paysans qui n’avaient pas de droits hérédi- taires, ce qui était réellement une mesure très radicale, aux anciennes fermes paysannes d’une superficie d’au moins 25 Monjcu  ; cela eut lieu, parexemplo, dans la Haute-Silésie, parce que ce fut seulement à cette époque que l’on arriva à y appliquer les décrets. Ce fut seu- lement danslaPosnanieet dans une partie de la Prusse occidentale, qui toutes deux avaient appartenu au royaume de Pologne, et où la liberté personnelle avait été décrétée par >’apoléon en 1807, que les décrets furent exé- cutés tout à coup et cela même pour les pe- tites terres  ; on ne regardait pas à exproprier les grands propriétaires, parce qu’ils étaient Polonais. Les décrets furent appliqués dans la Lusace slave  ; mais déjà, dans les autres parties de la province de Saxe et plus encore dans les provinces occidentales, on ne trou- vait guère que leur intransigeance fût appli- cable. Dans les provinces occidentales, les principales réformes étaient aussi déjà insti- tuées d’après le régime français. L’expropria- tion n’eulpas lieu non plus dans la nouvelle Po- méraniecitérieureni dans l’ile de Rugeo, qui avaient appartenu à la Suède, et où la liberté personnelle et la dissolution de la commu- nauté de village (ce dernier point concernant seulement la Poméranie) étaient instituées dès la fin du xviii"^ siècle. Le droit de pro- priété existait avec tant de clarté que l’on ne pouvait songer à y appliquer sérieusement les lois d’expropriation. Les corvées furent enfin transformées en redevances et il fut éta- jjli que l’on pouvait racheter ces redevances, par une série de lois, datant de 1821, surtout de 1850 et, plus tard, de l’époque où ces lois furent étendues aux nouveaux territoires qui venaient d’être réunis à la couronne des Ho- henzollern. Même là où on l’aurait voulu, il était difficile, quand on en arriva à l’exécu- tion, d’agir toujours d’une manière aussi radicale  ; le droit, en effet, était beaucoup plus clair dans ces territoires qu’il n’était en Prusse lorsqu’on y décréta les réformes. Des chiffres montreront toute la réelle portée de ces lois. Au commencement du xix* siècle, on estimaitlenombre total des fermes paysannes à 274 000 dont 4/11, soit 99 000, étaient possé- dées, d’après le droit lassite, par des paysans entièrement dépendants, et par conséquent


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