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faites dans tant de communes, ni au trans- port de tant d’objets précieux, si bien que le même ^îrégoire pouvait dire à la Convention, sans trouver de contradicteurs  : « Le mobilier api)arlL’nant à la Nation a soufTcrt des dila- pidations immenses, parce que les fripons qui ont une logiijue à part ont dit  : « Nous sommes la Nation ». « Ne croyez pas qu’on exa- gère en vous disant que la seule nomen- clature des objets enlevés, détruits ou dégra- dés formerait plusieurs volumes. \)e toutes paris, le désordre et la destruction étaient à l’ordre du jour. » La dilapidation ne fut i)as moindre en ce qui touche les meubles des émigrés ou des condamnés, c’est-à-dire en ce qui touche le mobilier de la majeure partie des châteaux de France. Lorsque finit la Convention, plusieurs députés s’accusèrent mutuellement de rapines commises sur le mobilier national dans leurs départements respectifs.

Alors même t(ue les objets saisis étaient remis fidèlement, l’administration révolu- tionnaire arrivait aux plus désastreux résul- tats. Ainsi la Convention avait ordonné de saisir et fondre les cloches des églises et un calcul détaillé en faisait attendre un béné- fice de 184 millions. Le ministre des finances Cambon dût avouera la Convention que « le monnayage loin d’avoir profité à la République a coûté de cinq à six millions ». On avait oublié que les cloches n’étaient pas au mo- ment du décret, rendues à la monnaie, qu’elles étaient dans des clochers d’où il fallait lesdes- cendre et les transporter à grands frais.

Au total, les hôpitaux et liospices rentrèrent dans une partie de leurs biens. Dès 1796, le Directoire leur lit rendre ce qui n’était pas vendu soit les deux cinquièmes et ordonna qu’on leur restituât le reste en valeurs sem- blables à celles aliénées, prises sur la masse des biens nationaux, ce qui ne semble pas avoir été entièrement exécuté. D’autre part, les émigrés retrouvèrent à la suite des lois de l’an X et de 1814, la moitié environ de leurs biens iroiueubles. Deux arrêtés des 20 juil- let 1803 et G mars 180o, restituèrent aux fabriques des Églises, aux évéchés et aux cha- pitres, ceux de leurs biens qui n’avaient pas été aliénés, mais ce fut très peu de chose. Les bâtiments même des églises, évèchés, presbytères, séminaires, non aliénés furent rendus à leurdestinationprimitive, mais sans que l’État en abandonnât la propriété, il ne fait (c’est sa constante théorie) qu’en con- céder la jouissance.

L’État a conservé pour son usage direct un certain nombre d’immeubles saisis alors. Comme la division de la France en départe- ment, requérait une bureaucratie plus éten-


due qu’avant 1789, on a installé nombre de sous-préfectures et de tribunaux dans les bâtiments nationaux. D’autres de ces bâti- ments et surtout des couvents sont devenus, ou des casernes ou des prisons, parfois des collèges. L’État en outre a gardé la majeure par- tiedes forêts enlevéesaux religieux, maiselles n’ont plus la même valeur (ju’autrefois ayant été dévastées pendant l’époque révolution- naire, faute de surveillance et faute d’énergie contre les délinquants qui étaient les gens du voisinage.

Tout le reste des biens nationaux, soit un capital d’au moins (juatre milliards, somme énorme en un temps où les budgets de la France n’arrivaient pas à six cents millions a été ou dissipé ou vendu. Quels résultats ont donné ces aliénations ?

IV. LES RÉSULTATS.

Le prétexte allégué pour saisir ces biens (au moins ceux du clergé) avait été de com- bler le déficit du budget et de rétablir les finances  ; or six ans à peine après la confis- cation, le gouvernement révolutionnaire d’alors faisait sa première banqueroute (18 mars 1796, réduction de valeur des assi- gnats) et l’année suivante il en faisait une seconde  : celle dite du tiers consolidé (28 sep- tembre 1797). Le produit des ventes avait été absorbé par les besoins courants et sans qu’il soitpossiblede dire mêmeapproximativement au milieu de l’immense désordre financier qui régnait alors, quelles ont été les recettes et à quelles dépenses elles ont été affectées. Ce qu’il y a d’assuré c’est que le Trésor se trouve actuellement grevé de charges perpé- tuelles qu’il ne supportait pas avant : charge du budget des cultes en conséquence des en- gagements pris lors de la saisie des biens ecclésiastiques  ; charges de l’instruction pri- maire et de l’assistance dans la mesure où ils étaient jadis supportés par les revenus du clergé et enfin accroissement de notre dette consolidée à concurrence d’un milliard attribué aux émigrés comme restitution (Loi des 27-28 avril 1825). Voilà pour le côté financier.

Pour le côté artistique qui est une des richesses en même temps qu’une des gloires de notre pays, on ne peut apprécier l’im- mense étendue des destructions qui furent la conséquence de la « nationalisation » de tant de biens. Que de superbes monuments, églises, abbayes, châteaux, ont été détruits par les acheteurs ou sont tombés en ruine faute d’entretien! Que d’objets d’arts détruits ainsi ou sciemment ou par négligence! La Convention lit envoyer à la Monnaie pour qu’elle fût fondue toute l’argenterie des


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