Aller au contenu

Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/177

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais puisque je te trouve aujourd'hui si morale :

Je te veux croire aussi d'une âme assez loyale, [50]

Pour apprendre de moi le sujet important,

Qui me fait tant courir, et qui te lasse tant ;

Écoute donc.

BÉATRIX

Vraiment, Madame, si j'écoute,

Je choisirais plutôt de ne voir jamais goutte,

Que de n'écouter pas un important secret : [55]

C'est mon plus grand plaisir, mais j'ai l'esprit discret.

LÉONOR

Sache donc, Béatrix, que j'aime.

BÉATRIX

Est-il possible ?

Je vous en aime mieux, il faut être sensible,

Pour moi, je vous croyais plus dure qu'un Rocher :

Mais puisque je connais que l'on vous peut toucher, [60]

Si pour vous y servir, il ne faut que ma vie,

Madame, assurez-vous que vous serez servie.

LÉONOR

Mais je suis, Béatrix, malheureuse à tel point,

Que j'aime un Cavalier.

BÉATRIX

Qui ne vous aime point.

LÉONOR

Non, mais qui ne sait pas, que pour lui je soupire. [65]

BÉATRIX

Le malheur n'est pas grand, il ne faut que lui dire.

LÉONOR

Et comment Béatris ?

BÉATRIX

C'est moi qui lui dira,

Reposez-vous sur moi, Dieu nous assistera,

Quand c'est à bonne fin, l'oeuvre n'est pas mauvaise.

Ha ! Vraiment, il vaut mieux aimer chaud comme braise, [70]

Que haïr son prochain, et lui faire le froid,

Madame, il faut aimer ce qu'aimable l'on croit,