Mais puisque je te trouve aujourd'hui si morale :
Je te veux croire aussi d'une âme assez loyale, [50]
Pour apprendre de moi le sujet important,
Qui me fait tant courir, et qui te lasse tant ;
Écoute donc.
Vraiment, Madame, si j'écoute,
Je choisirais plutôt de ne voir jamais goutte,
Que de n'écouter pas un important secret : [55]
C'est mon plus grand plaisir, mais j'ai l'esprit discret.
Sache donc, Béatrix, que j'aime.
Est-il possible ?
Je vous en aime mieux, il faut être sensible,
Pour moi, je vous croyais plus dure qu'un Rocher :
Mais puisque je connais que l'on vous peut toucher, [60]
Si pour vous y servir, il ne faut que ma vie,
Madame, assurez-vous que vous serez servie.
Mais je suis, Béatrix, malheureuse à tel point,
Que j'aime un Cavalier.
Qui ne vous aime point.
Non, mais qui ne sait pas, que pour lui je soupire. [65]
Le malheur n'est pas grand, il ne faut que lui dire.
Et comment Béatris ?
C'est moi qui lui dira,
Reposez-vous sur moi, Dieu nous assistera,
Quand c'est à bonne fin, l'oeuvre n'est pas mauvaise.
Ha ! Vraiment, il vaut mieux aimer chaud comme braise, [70]
Que haïr son prochain, et lui faire le froid,
Madame, il faut aimer ce qu'aimable l'on croit,