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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/33

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Scène IV

DOM SANCHE, BLANCHE, LIZETTE.
D. Sanche.

Ô dieu ! que vois-je encor ? Après vous avoir vue
De tant de dons du ciel si richement pourvue,
Je ne puis m’empêcher de revoir vos beaux yeux,
Pour leur offrir encor mon cœur comme à mes dieux.
Déjà de leurs regards la menace sévére
Fait craindre à mon amour leur injuste colére ;
Leur dédain redoutable est prêt de châtier
Un crime que ma mort seule peut expier :
Mais que leur cruauté contre moi tout emploie,
Tout supplice m’est doux, pourvu que je les voie.

Blanche.

Quand mon père m’amène un Époux que j’attends,
Me venir voir encor, c’est mal prendre son tems.

D. Sanche.

Je venois m’informer de l’état où vous êtes.

Blanche.

Si vous saviez, monsieur, la peur que vous me faites,
Ou plutôt à quel mal vous m’exposez ici,
Vous ne me viendriez pas rendre visite ainsi.
Il est vrai, je vous dois la vie, et je confesse,
Que mon cœur généreux me le redit sans cesse ;
Mais dans le même tems qu’il m’apprend mon devoir,
Il m’avertit aussi que j’ai tort de vous voir.

D. Sanche.

Vous ne m’avez rien dû, dont vous ne soyez quitte ;
Mais j’ai cru vous devoir au moins une visite,
Ou plutôt je l’ai cru devoir à mon repos,
Puisqu’éloigné de vous j’endure mille maux.

Blanche.

Bien que j’aie pour vous toute sorte d’estime,
Je ne puis plus long-tems vous écouter sans crime ;