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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/617

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OROSMANE.

   Verser le sang d'Elise?

NICANOR.

                           Arreste, ou tu feras,
   De cette chere Elise, avancer le trépas.
   Arreste, dis-je, & voy cette main toute preste,
   A troubler par sa mort l'aise de ta conqueste.
   Tremble, songeant au sang que ce fer va verser.
   Si tu veux qu'elle vive, il y faut renoncer;
   Il faut quitter la Cypre, & loin de cette terre,
   Aller porter ailleurs tes crimes, & la guerre.

OROSMANE.

   Hé! n'es-tu point touché de cette objet charmant;
   Barbare!

NICANOR.

            Ha! je suis sourd aux plaintes d'un Amant.
   Prens party si tu veux.

OROSMANE.

                           En puis-je prendre un autre,
   Que de sauver sa vie, & de perdre la nostre?

ELISE.

   Garde-t'en bien, Alcandre, & que par mon danger,
   Ton coeur plustost s'irrite, & songe à me venger.

OROSMANE.

   Helas! il est trop tard, ma divine Princesse.
   En vain, mon triste coeur me conseilloit sans cesse,
   De ne la point quitter; mon respect m'a trahy,
   Et je suis malheureux pour avoir obey;
   Mais pouvant la sauver par un trépas funeste,
   Hastons-nous de joüir du seul bien qui nous reste.
   Prens ce fer, cruel Prince! & Maistre de mon sort,
   Sauve ma chere Elise, & me donne la mort.

SEBASTE

 (À l'oreille d'Orosmane.)
   Seigneur?...

NICANOR.

                Et d'où luy vient cette fatale épée?

SEBASTE.

   Tant plus à l'observer ma veuë est