Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/618

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occupée,

   Tant plus je m'y confirme, & je le reconnois.
   Nicanor! connois-tu mon visage & ma voix?

NICANOR.

   Et serois-tu Sebaste?

SEBASTE.

                         O l'heureuse journée!
   Que je revoy l'Espoux d'Aminte infortunée.
   Voy ton fils Nicanor; mais qu'un bizarre sort,
   Obligea plusieurs fois à souhaitter ta mort.
   Il fut ce vaillant Roy qu'a refusé pour Gendre,
   Et qu'a depuis destruit l'ambitieux Pisandre,
   Il est fils de la jeune, & charmante beauté,
   Que quitta sans sujet ton infidelité.

NICANOR.

   Hélas! je la quittay: mais sans estre infidelle,
   Et sans les longs malheurs d'une prison cruelle,
   Le courroux de son Pere, ou la peur du trépas,
   N'eussent peu m'empescher de revoir ses appas.
   Mais seroit-il mon fils, ce Corsaire invincible?
   Et croyray-je qu'Aminte à l'oubly trop sensible,
   Ait pû si tost changer en dédains rigoureux,
   Les terribles sentimens de son coeur amoureux?
   Me derober un fils si grand par son merite,
   Qu'il semble que la terre est pour luy trop petite;
   Pourquoy me le ravir apres l'avoir donné?
   Pourquoy laisser sans Pere un fils infortuné?
   Le crime se doit-il punir sur l'innocence;
   De combien d'actions pleines de violence,
   Noircit-elle mon nom par cette longue erreur,
   Et doit?-on croire ainsi son aveugle fureur?

SEBASTE.

   Dequoy me serviroit une pareille feinte?
   Dequoy me serviroit elle, au vaillant fils d'Aminte?
   En l'avoüant pour fils qui gagne plus que toy.
   Et n'as que trop douté, croy moy Prince, croy moy.

AMINTAS. (À part.)

   Il est vray que je trouve en ce noble visage,
   De la Reyne & de moy, la ressemblante image,
   O son fils! ô le mien! car je n'en doute plus,
   Pardonne genereux à ton Pere