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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/139

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J’en puis être d’aucuns blâmé.
Mais aussi serai-je estimé
D’avoir puni cette coureuse,
Aux siens comme à nous dangereuse."
Cela dit, j’allais l’empoigner
Pour oreille et nez lui rogner,
Quand la déesse de Cythère,
Ma très belle et très bonne mère,
Me donna bien fort sur les doigts
De la main dont je prétendois
Saisir au collet la Spartaine.
Cette apparition soudaine
Non pour un peu m’emplit d’effroi ;
Car elle parut devant moi
Comme chose du ciel tombée,
Et non pas à la dérobée,
Ou ne se montrant qu’à demi,
Comme d’autres fois, endormi,
Confusément je l’avais vue ;
Mais alors elle était pourvue
De tous les célestes appas
Que les hommes mortels n’ont pas.
Ce coup, dont ma main fut cinglée,
Et dont j’eus l’âme un peu troublée,
Me fit dire, en quoi j’eus grand tort,
Certain mot qui l’offensa fort.
Elle me dit, rouge en visage :
"Vraiment, je vous croyais plus sage ;
Fi ! fi ! je ne vous aime plus.
— Je suis de quatre doigts perclus,
Lui dis-je, et qui diable ne jure
Alors qu’on reçoit telle injure ?
— Eh bien ! ne jurez donc jamais,
Dit-elle. — Je vous le promets,
Lui dis-je, et trêve de houssine,
Car il n’est divin ni divine,
A qui, s’il m’en faisait autant,
Je ne le rendisse à l’instant.
— Songez que je suis votre mère,
Me repartit-elle en colère,