Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Si je ne vous disais oui,
Répondit-il tout réjoui,
Et découvrant sa tête chauve,
Qui fut jadis de couleur fauve :
C’est à vous, Dame, à commander,
Et je n’ai rien qu’à seconder
Les volontés de ma princesse,
Sans m’enquérir pourquoi, ni qu’est-ce.
Par vous j’ai dans le firmament
Un assez bel appartement ;
Par vous Jupiter favorable
M’admet à sa divine table,
Où j’avale tant de nectar
Que je m’en trouve gras à lard,
Où d’ambroisie, et de la bonne,
Jusqu’au cou souvent je me donne,
Et toutes ces félicités
Sont les effets de vos bontés."
Cela dit, à la hâte il darde
Contre le roc une hallebarde :
Elle y fit un petit pertuis ;
Il ne fallut point un autre huis
Aux vents pour faire une sortie,
Dont la mer, toute pervertie,
Aux hommes sur elle flottant
Fit bientôt mal passer le temps.
Les vagues que les vents enflèrent
Jusqu’au ciel les vaisseaux portèrent ;
Mais ils en furent rapportés
Plus vite qu’ils n’étaient montés.
Le choc des vagues forcenées,
Le fracas des nefs ruinées,
Les cris et les gémissements,
Les vents et leurs mugissements,
La grosse pluie avec la grêle,
Tombantes du ciel pêle-mêle,
Tout cela faisait un beau bruit ;
Le jour était devenu nuit ;
Des éclairs seuls luisaient sur l’onde ;
Car pour le beau flambeau du monde,